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Musique en ville

Lorsque Louis XIV décide, en 1682, de s’installer dans un palais en travaux, ce n’est qu’à contrecœur que la cour le suit. Capitale du royaume, Paris en était alors le siège royal et le centre artistique tandis que Versailles, ville nouvelle, allait péniblement sortir des marais qui l’environnaient. Mais le choix de Louis XIV de s’éloigner de Paris favorisera finalement le développement d’institutions artistiques autonomes dans la capitale, échappant à la mainmise de la cour.

Créée en 1669, l’Académie royale de musique synthétise les ambitions françaises en matière de spectacle lyrique et chorégraphique. Un demi-siècle plus tard, en 1725, l’établissement du Concert Spirituel permet aux Parisiens de profiter de concerts d’une qualité sans égal en Europe. Paris retrouve une place dominante tandis que, musicalement, Versailles s’étiole un peu avant la Révolution.

Gravure d'une représentation de l'opéra Roland à l'Académie royale de musique

L'Académie royale de musique

Instituée par Louis XIV, l’Académie royale de musique, devenue depuis l’Opéra de Paris, regroupe toutes les forces nécessaires pour représenter des spectacles ambitieux : orchestre, chœur, chanteurs solistes, danseurs professionnels, machinistes, costumiers et décorateurs. Elle passe en 1671 aux mains de Jean-Baptiste Lully, artisan de la création de l’opéra français. Sous l’impulsion de Louis XIV, il imagine un spectacle total mêlant à parts égales la poésie, la musique, la danse et la machinerie de théâtre. Le nouveau genre ainsi créé, la tragédie en musique, domine la scène française jusqu’au tournant du XIXe siècle, avant d’évoluer vers le grand opéra français au contact de l’esthétique romantique naissante.

Chaque année, Lully donne un nouvel ouvrage, généralement à l’occasion des fêtes de carnaval, en collaboration avec des poètes, des machinistes-décorateurs, des costumiers et des chorégraphes prestigieux. Le compositeur forme les interprètes pour servir au mieux son projet : de l’orchestre au chœur, en passant par les solistes du chant et de la danse, ils repoussent les limites de leur art.

À la mort de Lully, en 1687, l’Opéra peut s’enorgueillir d’être le premier théâtre d’Europe, place qu’il occupe pendant presque deux siècles. Il se développe grâce à l’ouverture des premières succursales à Lyon, Lille, Bordeaux, Rouen, etc.

Globalement en déficit tout au long du XVIIIe siècle, l’Académie royale de musique ne cesse d’évoluer pour plaire à son public. D’abord en inventant de nouveaux genres comme l’opéra-ballet, la pastorale, la comédie lyrique, etc. ; ensuite en tentant de s’attacher les meilleurs compositeurs ; enfin en proposant des spectacles de plus en plus sophistiqués, notamment du point de vue des machines et des décors. La structure même de l’Académie royale de musique l’oblige néanmoins à un certain conservatisme, par la présence d’une troupe, d’un chœur, d’un orchestre et d’un corps de ballet permanent, et par la logique de reprise : les œuvres à succès (Armide de Lully, Les Fêtes vénitiennes de Campra et Les Éléments de Lalande et Destouches, etc.) sont jouées durant près d’un siècle.

Jalouse de son répertoire et de ses privilèges - elle a le monopole des représentations des « Pièces de théâtre en musique » - l’Académie royale se heurte à maintes reprises aux autres théâtres de la capitale, qu’il s’agisse de la Comédie-Française, de l’Opéra-Comique ou des spectacles forains.

En 1752 éclate la querelle des Bouffons, qui oppose les partisans de la musique française, représentés par Jean-Philippe Rameau, aux partisans d’une ouverture aux influences étrangères et notamment italiennes, regroupés derrière Jean-Jacques Rousseau. L’Académie est profondément ébranlée par cette controverse. Alors principale ressource de l’institution, Rameau est l’une des seules figures à ne subir aucune attaque des concerts de la reine Marie Leszczynska, réputés pour leur modernité.

Le Concert Spirituel

Fondé au tout début du règne de Louis XV et logé au sein des Tuileries, le Concert Spirituel est la principale société de concerts publics de Paris jusqu’à la Révolution. Assujetti à l’Académie royale de musique qui possède le privilège royal des spectacles en musique, le Concert Spirituel doit lui payer une forte redevance ; ses concerts ont lieu uniquement lorsque l’Opéra fait relâche, à l’occasion des fêtes religieuses. Composé principalement de musiciens et de chanteurs de l’Académie royale de musique auxquels se mêlent quelques musiciens de la cour, il tient une vingtaine de séances musicales chaque année.

Gravure de Jacques Rigaud intitulée Les Promenades du Palais des Tuileries

L’enjeu – autant artistique que commercial – est d’importance. Dès l’origine, en réunissant une soixantaine de musiciens dont une moitié d’instrumentistes, son fondateur Anne Danican Philidor est sûr d’attirer le public, peu habitué à un tel effectif. Très vite, la qualité des interprètes ajoute à la notoriété du concert, et ce dans toute l’Europe.

Tout au long du XVIIIe siècle, l’institution évolue parallèlement au goût du public. À la fin du siècle, les grands motets, qui formaient au départ l’essentiel du répertoire musical, disparaissent au profit de genres musicaux plus modernes comme la symphonie, le concerto ou l’oratorio. Les compositeurs étrangers y sont joués et accueillis avec enthousiasme : Pergolèse, Haydn, les Stamitz, Sacchini et même Mozart. Les violons, une vingtaine, y sont plus nombreux qu’à l’Académie royale. Les basses regroupent six à huit violoncelles et deux à quatre contrebasses. Les vents sont groupés par trois ou quatre comme à l’Opéra. Les clarinettes, cors, trompettes et timbales n’intègrent vraiment l’ensemble qu’en 1778. Les trombones y sont toujours comptés comme surnuméraires.

Vers 1780, le Concert Spirituel acquiert une physionomie très proche du futur orchestre romantique. Admiré pour son ampleur, l’orchestre l’est aussi pour sa qualité, et notamment sa capacité à jouer sans batteur de mesure mais seulement sous la conduite du premier violon. La précision du « premier coup d’archet », qui débute chaque morceau, fascine le public.

Les grands théâtres de la capitale

Quoique dévolus au répertoire déclamé, les grands théâtres de la capitale – la Comédie-Française, le théâtre de la Foire puis l’Opéra-Comique – possèdent tous un orchestre dont la fonction est d’introduire les représentations par une ouverture et d’en ponctuer le déroulé par des entractes. L’orchestre peut également accompagner les intermèdes et divertissements vocaux ou chorégraphiques, surtout dans les comédies-ballets où il se révèle indispensable. Sa dimension reflète les moyens dont dispose l’institution : de quelques instrumentistes pour la Foire à une trentaine de musiciens pour la Comédie-Française, les ensembles privilégient les cordes, dessus et basses, quitte à se passer d’altos et d’instruments à vent.

Grande salle de la Comédie-Française. Aquarelle de Meunier.

À la Foire, les pièces composées pour ces orchestres sont notamment des comédies mêlées d’ariettes et des pièces qui seront les tout premiers opéras-comiques ; parfois il s’agit même de parodies d’ouvrages sérieux. C’est après 1770 que certains de ces orchestres (celui de l’Opéra-Comique salle Favart particulièrement) acquièrent un effectif plus important et une structuration pérenne, équilibrée, capable de rivaliser avec l’Académie royale de musique.

Les Foires Saint-Germain et Saint-Laurent, les deux grandes foires de Paris, se tiennent tous les ans du début de février au dimanche des Rameaux pour la première, et de la mi-juin à la fin septembre pour la seconde. Elles sont un lieu de rendez-vous prisé, réunissant toutes les classes sociales sans distinction. Dès l’origine, elles attirent les danseurs de cordes, marionnettistes, musiciens ambulants et autres spectacles populaires.

Facade du Théatre de Nicolet. Gravure de Chereau.

C’est en 1697, avec la fermeture du Théâtre Italien, que débute l’histoire du théâtre de la Foire : les troupes foraines choisissent en effet de récupérer une partie de leur répertoire en français et font ériger une salle permanente. Aussitôt, les Comédiens Français tentent de faire interdire leur entreprise. C’est le début d’innombrables querelles avec les théâtres à privilège de la capitale, qui dureront tout au long du siècle. Au gré des interdictions, les comédiens forains imaginent l’usage de la pantomime, des pancartes, de la marionnette et du vaudeville pour contourner la censure.

En 1714, une société se crée sous l’intitulé de « nouvel opéra-comique », l’actuel Opéra-Comique. Des poètes tels que Lesage, d’Orneval ou Fuselier inventent des scénarios que Gillier, Aubert, Mouret ou Rameau mettent en musique. C’est l’époque où la parodie triomphe, qu’il s’agisse d’œuvres du répertoire de l’Académie royale de musique ou de la Comédie-Française. En 1734, Favart signe son premier livret et devient rapidement le maître de l’opéra-comique de cette période. Dans les années 1750, le répertoire se modifie profondément grâce à des auteurs comme Rousseau, Blavet ou Dauvergne.

Cette évolution annonce l’ultime développement d’un genre qui, sous la plume de Monsigny, Philidor, Duni et Grétry , s’érigera au rang de spectacle lyrique à part entière, quittant la Foire pour un théâtre institutionnalisé sous le règne de Louis XV, en 1762.


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