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La musique française

Depuis les années 1960, la musique française fait l’objet d’une redécouverte et d’un intérêt grandissants des chercheurs et du public. Le qualificatif « baroque », attribué à la musique française courant de 1600 à 1750 environ, recouvre une réalité complexe. Entre le début et la fin du mouvement, la musique française évolue en effet considérablement. Quoi de commun entre Bouzignac et Gluck et entre Le Ballet royal de la Nuit et Les Paladins de Rameau ?

De Louis XIII à Marie-Antoinette, la France est gouvernée par des rois, des reines et des princes artistes qui comprennent l’importance sociale et politique des arts, et accompagnent leur essor. Mais si, pour Louis XIV, arts et pouvoir sont mêlés, l’amour de Marie-Antoinette pour la musique n’a rien de politique. Les fonctions de la musique évoluent au cours des siècles, de même que ses formes, ses instruments, son interprétation et sa réception.

Au début du XVIIe siècle s’opère une lente mutation dans tous les domaines de l’art. La musique polyphonique de la Renaissance se transforme et la musique instrumentale se développe, s’affranchissant de la voix, jusque-là modèle principal de toute conception musicale. En quelques décennies, un vent de renouveau souffle sur la musique française, bousculant les traditions et permettant aux compositeurs toutes les audaces et une éclosion de genres nouveaux tels que le grand et le petit motet, le ballet de cour, la comédie-ballet, la tragédie lyrique, la symphonie, etc.

Portrait de Louis XIV entouré de différents attributs des arts. Peinture de Jean Garnier.

La France étend son rayonnement sous Louis XIV

Creuset artistique exceptionnel, la France se nourrit tout au long du XVIIe siècle de tout ce qui peut l’aider à affirmer sa propre identité culturelle. Louis XIV, qui compte étendre la suprématie politique et économique aux domaines artistiques, freine l’influence baroque italienne pour assoir son propre pouvoir. Il est aidé par la différence des tempéraments et des pratiques artistiques entre la France et l’Italie. Pour l’Italien, le naturel, c’est le monde des passions, alors que, pour le Français, l’univers doit se rendre à la raison et à la mesure. L’idéal des compositeurs français est de faire vibrer les sens par le sens, asservissant les perceptions sensorielles à la suprématie de l’entendement. Tandis que les Italiens portent l’accent sur l’expression directe du sentiment et une virtuosité vocale et instrumentale flamboyante, la danse est pour la France l’art aristocratique par excellence, l’outil de prestance qui exprime le mieux la maîtrise du corps et de l’esprit.

Primauté de la grâce et de l’élégance

Représentation de la danseuse dite La Camargo dansant

La recherche permanente de la grâce et de l’élégance – du bon goût – est une spécificité française. La France apporte sa science des accords et des timbres ainsi que son art d’assujettir la musique aux suggestions du texte ou de l’argument, son souci d’une juste déclamation des paroles, son sens unique de la valeur de l’expression ou de l’allusion, qu’il s’agisse d’imiter la nature ou de figurer le sentiment. Qu’ils soient clavecinistes ou dramaturges, musiciens d’église ou de cour, tous les compositeurs contribuent à cette grandeur française marquée par le raffinement du trait. Les luthistes, clavecinistes, violistes, maîtres de chapelle ou autres hérauts du ballet de cour et de l’opéra s’associent d’un même élan dans la peinture de la tendre et juste émotion, qui veut gommer les excès de mouvement, de contraste.

Image d'une page manuscrite illustrée de la partition de l'opéra Armide de Lully

Création d’un opéra français

Au début du règne de Louis XIV, la cour de France offre un terrain propice et fécond qui permet en une vingtaine d’années (1650-70) l’éclosion de deux genres qui traverseront les règnes en s’adaptant au goût du public et perdureront jusqu’à la Révolution : le grand motet et opéra.

De par la volonté du roi et grâce au talent de Lully, la France est le seul pays en Europe à posséder un opéra dont les genres, les formes, le style et l’organisation sont parfaitement indépendants de l’Italie. Nourri dans le sérail de la danse, Lully reprend à son compte le ballet de cour en y adjoignant récitatif, chant et symphonie. L’édifice construit pour accueillir ce genre va s’avérer vaste et solide : l’Opéra de Paris, né en 1669 et confié à Lully en 1672 (il porte alors le nom d’Académie royale de musique), perdure jusqu’à nos jours sous le nom d’Opéra national de Paris.

La musique instrumentale française

Assemblée de nobles autours d'une table avec Luth, viole, violon, violoncelle et guitarre. Peinture de F. Puget.

La musique instrumentale française se distingue de sa voisine italienne d’abord par les instruments mis en valeur – le luth, le théorbe, le clavecin, la viole de gambe ou la flûte – mais aussi par les accents du chant déclamé, les contours ornés de ses mélodies (chargées d’« agréments ») ainsi que la retenue de son expression. Les pièces se font évocation de caractère plutôt que traduction directe, peinture des attitudes plutôt que des passions. La miniature est préférée à la grande forme, les pièces portent des titres suggestifs, parfois en forme d’hommage à des personnalités : « La Forqueray », « Les Trois Mains », « Le Lys naissant », « Les Barricades mystérieuses », « Zéphyr et Flore », « L’Agaçante », « La Dauphine ». Dans les Folies françaises, Couperin fait défiler, chacun sous un « domino » de couleur différente, un jeu de masques des émotions sous le reflet allusif d’un sentiment ou d’une vertu.

Hors des salons, la musique instrumentale est destinée à de grands orchestres dont il n’existe aucune phalange comparable en Europe : à la cour, les « Vingt-Quatre Violons du roi » forment un ensemble d’excellence, dirigé d’une main de fer par Lully ; l’exigence et la discipline qui y règnent leur vaut une renommée particulière dans toute l’Europe. Pour les manifestations moins solennelles, les « Petits Violons du roi » se font entendre, souvent augmentés de flûtes, de hautbois, de bassons et de trompettes de la Musique de l’Écurie, et d’instruments de basse continue (théorbes et clavecin).

Représentation d'un aristocrate jouant de la musette

A la différence de ses voisins européens, la musique française conserve ou intègre des éléments de musique populaire. Elle répond en cela à un souci d’idéalisation de la musique populaire chez les souverains Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, ainsi qu’à la tradition de la danse, alors primordiale. Ainsi en témoigne l’usage, chez Rameau, de la musette, de la vielle à roue ou du fifre, instruments absents chez Haendel et Vivaldi à l’étranger.


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