Les premières « Académies de musique », « Académies de Concert » ou plus simplement « Concerts » apparaissent dans les années 1710, et se développent de façon considérable entre 1720 et 1750. Elles se répartissent rapidement sur tout le territoire français, et constituent un phénomène majeur de la vie musicale, celui des premiers concerts en société. Caractérisées à leurs débuts comme « académies » à part entière, et s’affirmant par là même dans le mouvement académique général des sociétés savantes des XVIIe et XVIIIe siècles, elles obtiennent rapidement un statut officiel. En vertu de lettres patentes et de statuts et règlements publiés, et, en dépit de particularités de fonctionnement et de sociabilité propres, les Académies de Concert reposent sur des caractéristiques communes tant du point de vue de leur structuration générale que de la programmation artistique.
Dédiées à l’organisation de concerts, ces Académies se démarquent des sociétés savantes contemporaines. Elles présentent également cette particularité de ne pas dépendre d’une Académie royale, tout en présentant un schéma académique classique. Mise en relation avec une histoire institutionnelle qui questionne les liens entre le pouvoir central et les provinces, l’étude des Académies de Concert se révèle alors fondamentale pour appréhender le mouvement académique au XVIIIe siècle dans son ensemble. Elle dessine en outre une nouvelle cartographie de la création et de la diffusion musicale à l’échelle du royaume.
En organisant un concert par semaine dans au moins une soixantaine de villes en France, les Académies de Concert ne sauraient rester cantonnées dans le rôle anecdotique où l’assigne une historiographie qui s’attache avant tout aux centres musicaux parisiens et versaillais. Elles se posent comme des lieux essentiels de production, d’exécution et de diffusion du répertoire musical français. Elles jouent un rôle majeur dans la vie de la cité par leur implication sans précédent dans les réseaux intellectuels et artistiques, leur action dans la diffusion de la musique, leurs relations avec les pouvoirs locaux et le pouvoir central. Affirmant une continuité avec les foyers artistiques de la fin du règne de Louis XIV, tout en prenant part plus largement aux réseaux académiques européens, l’académisme musical français engendre un bouleversement sans précédent dans le paysage culturel de la France d’Ancien Régime. La période de soixante ans de leur existence acte aussi l’avènement du premier concert public, entraînant par là même une mutation sans précédent des espaces, des publics et des répertoires.
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Carnet de recherche HYPOTHESES
Trois objectifs scientifiques
Identifier les institutions et constituer un corpus de ressources
Le premier objectif d’AcadèC est d’établir une cartographie générale des Académies de Concert entre 1710 et 1770, d’identifier leurs périodes d’activité, caractéristiques, interconnections, et d’en recenser les acteurs. Il s’agira de constituer et d’inventorier un corpus hétérogène (textes officiels, archives administratives, collections musicales et théoriques) souvent non signalé ou catalogué dans des fonds et institutions diverses.
Proposer une étude globale de l’académisme musical
Le deuxième objectif est de caractériser un fait majeur de l’Europe des Lumières absent jusqu’à présent des recherches musicologiques et que nous appellerons l’« académisme musical » en cherchant à le définir, le périodiser, identifier des pôles géographiques, sa place au sein de l’académisme européen, et en dégager les problématiques essentielles.
Porter un regard renouvelé sur le répertoire musical et ses pratiques
Le troisième objectif est d’identifier, d’étudier et de défendre un patrimoine musical français mal connu et inédit. Le répertoire des provinces ne saurait être considéré comme un répertoire annexe, voire anecdotique, mais mérite, au vu des premiers éléments d’analyse, d’être réévalué. Il constitue un témoin de premier ordre des pratiques musicales françaises et de la diffusion des genres.
Trois hypothèses de recherche originales
Les Académies de Concert constituent un quatrième lieu pour la musique, au même titre que l’Église, le Théâtre, et les cercles aristocratiques. Véritable moteur de la vie culturelle française, à l’identité propre, elles doivent figurer à leur juste place comme un fait majeur de l’histoire musicale. Il est urgent d’amorcer une réflexion sur l’émergence du Concert et la diffusion des répertoires dans ce cadre spécifique, et d’analyser la nouvelle dynamique insufflée par la création des Académies de Concert à partir de 1710.
Il faut dépasser l’opposition centre/provinces, et reconsidérer la relation entre le centre (Paris/Versailles) et les périphéries. Les foyers de création sont relativement émancipés des modèles parisiens ou versaillais, et la diffusion des œuvres et les carrières artistiques suivent des trajectoires géographiques diverses. Il faut alors proposer un regard neuf et élargi qui éclairera en retour les lieux de productions parisiens, la définition des genres, et replacera la vie provinciale dans un contexte européen plus large.
Les Académies de Concert ont su se doter d’un répertoire singulier. Elles ont adapté à leurs pratiques des genres musicaux issus de cadres d’exécution différents des leurs, c’est-à-dire régis par des contraintes (liturgie ou mise en scène), une économie, un espace et une sociologie autres. Comme le montre l’étude de la musique d’Église en France, il faut s’affranchir de la vision d’une œuvre définie exclusivement par l’acte créateur, et considérer les modalités polymorphes de sa diffusion (reprises et arrangements) comme autant d’existences manifestes, pour affirmer en conséquence la légitimité de la production provinciale.
équipe
COMITÉ SCIENTIFIQUE
Pierre-Yves Beaurepaire (Hist. moderne), Université Côte d’Azur
Youri Carbonnier (Histoire moderne), Université d’Artois
Bénédicte Hertz (Musicologie), CMBV-CESR
Raphaëlle Legrand (Musicologie), Sorbonne-Université
Pauline Lemaigre-Gaffier (Histoire moderne), Université Paris-Saclay
Irène Passeron (Histoire des sciences), IMJ-PRG
Émilie Roffidal (Histoire de l’art), FRAMESPA
Thomas Soury (Musicologie), Université Lumière-Lyon 2
Stéphane Van Damme (Histoire moderne), ENS-PSL
Thomas Vernet (Musicologie), Fondation Royaumont
ÉQUIPE ARTISTIQUE
Associée à l’étude et à la valorisation du répertoire, l’équipe artistique se constituera autour de Fabien Armengaud (directeur musical des Pages et des Chantres du CMBV) et intégrera une visée pédagogique. Elle sera renforcée par des collaborations avec des ensembles musicaux professionnels partenaires du CMBV et de la Fondation Royaumont, ainsi qu’avec des départements de musique ancienne des Conservatoires (CNSMD et CNSMDP, CRR de Paris, CRR de Versailles).
partenaires
Partenaires principaux
- Fondation Royaumont
- Institut de recherche en musicologie (IReMus)
Institutions partenaires
- Académies des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon
- Archives municipales de Lyon
- Bibliothèque municipale de Lyon
- Comité des travaux historiques et scientifiques (CTHS)
- Conservatoire National Supérieur Musique et Danse de Lyon (CNSMD)