Les origines
Plus que toute autre phalange musicale de la Cour, les Vingt-quatre Violons ou « Grande Bande » incarnaient la magnificence des cérémonies et étaient liés à l’« extraordinaire » de la vie du Roi. D’abord rattachés aux musiciens de l’Écurie, les violons intégrèrent la Chambre vers 1570. Le règne d’Henri IV vit croître leur émancipation. 22 en 1609, ils sont 23 l’année suivante, et 24 en 1614.
C’est en 1626 que Louis XIII les institue officiellement en corps autonome.
L’apogée
Leur prestige est décuplé lorsque Jean-Baptiste Lully en prend la direction (1653). Ils deviennent dès lors le principal organe des manifestations officielles jusqu’à leur dissolution en 1761 par un édit regroupant les différents corps de musique.
« Les Vingt-Quatre dépendent de la Chambre, et c’est le Maître de musique en quartier qui bat la mesure. », notait Luynes en 1737. Jean-Basptiste Lully fut le premier à imposer une discipline exigeante et une rigueur peu courante dans les bandes de violons de l’époque. La fascination qu’ils exercèrent sur toute l’Europe est bien connue : devenus emblème de la musique royale, ils furent copiés dans un grand nombre de cours étrangères. La réunion de la Grande Bande était principalement requise « le premier jour de l’an, le premier mai, et à la Saint-Louis. » Outre cela, ils jouaient encore « lorsque le Roi arrivait ou de Compiègne ou de Fontainebleau. » Les frères Bêche indiquent aussi « les bals parés et masqués de la cour » et même d’autres spectacles où « le roi les mandait » par extraordinaire. Ajoutons-y enfin les retours de campagnes, les reposoirs de la Fête Dieu, les cérémonies du sacre, du mariage, des Chevaliers du Saint-Esprit, les pompes funèbres, les ténèbres de la Semaine sainte, les réceptions des souverains et princes étrangers, les entrées de ville et les festins royaux, et un panorama complet sera dressé.
Le cérémonial et le répertoire
Le cérémonial des concerts officiels était bien établi : en début d’après-midi, au moment du Souper, les Vingt-quatre Violons se réunissaient dans l’antichambre du Grand Couvert du Roi ou, plus rarement, dans l’antichambre du Grand Couvert de la Reine (lorsque le Roi dînait chez elle). Pour chaque occasion, les Surintendants constituaient une ou plusieurs « suites de symphonies » réunissant le plus souvent une série d’airs de leur composition. En leur temps, Lully et Lalande s’étaient pliés à l’exercice, le second réalisant les suites harmonieuses connues sous le nom de « Symphonies pour le Souper du Roi ».
projet de recherche : Symphonies pour le Souper du roi
Un univers sonore unique
Cet ensemble offrait un édifice sonore insolite et unique au monde. Les musiciens jouaient sur des instruments ayant chacun une dimension et un timbre particulier, répartis en cinq pupitres distincts, au lieu de quatre pour tous les autres orchestres d’Europe :
- 6 dessus de violon
- 4 hautes-contre de violon
- 4 tailles de violon
- 4 quintes de violon
- 6 basses de violon
Les « Vingt-quatre Violons du roi », renforcés à maintes reprises par les douze Grands Hautbois de La Grande Écurie, sont le premier exemple d’orchestre formel, constitué sur la base d’un groupe d’instruments à cordes.
La disparition
Après avoir rayonné en France et en Europe pendant près de deux siècles, après avoir façonné l’imaginaire musical de plusieurs générations de musiciens et fasciné par ses sonorités insolites et caractéristiques, cet orchestre a totalement disparu à la fin du XVIIIe siècle. Non seulement en tant que structure, supprimée par un édit en 1761, mais également ses instruments eux-mêmes, remplacés peu à peu par des instruments de facture italienne ou allemande. Depuis cette époque, et encore aujourd’hui, la musique baroque française des XVIIe et XVIIIe siècles est interprétée sur des instruments italiens pour la plupart, et dans des dispositifs souvent très éloignés des pratiques du temps.