Chaque mois, le Centre de musique baroque de Versailles vous concocte une playlist thématique à écouter pour vous immerger dans le répertoire musical français des XVIIe et XVIIIe siècles. Bonne écoute !
Playlist audio #15
Playlist par Benoît Dratwicki, chercheur et directeur artistique au CMBV
Comme tous les autres répertoires musicaux, le baroque français a lui aussi ses tubes, que vous connaissez peut-être sans le savoir… ou qu’il est urgent de découvrir. C’est à ce voyage au pays des pépites que vous convie la playlist « tubes du baroque français » imaginée par Benoît Dratwicki, directeur artistique du Centre de musique baroque de Versailles.
À tout seigneur, tout honneur : une playlist de « best-off » du répertoire baroque français ne saurait débuter sans un hommage à Jean-Baptiste Lully, inventeur des genres et du style qui seront en usage pendant plus d’un siècle, entre 1660 et 1780. Si tout le monde connaît Lully comme le violoniste-danseur-compositeur proche de Louis XIV et de Molière, peu de gens connaissent vraiment sa musique ; ou alors, ils ignorent qu’ils entendent du Lully ! Pour réparer cette injustice, il faut écouter la somptueuse passacaille instrumentale et vocale du 5e acte d’Armide, la marche turque du Bourgeois gentilhomme et la scène du sommeil d’Atys, qui sont au nombre des pièces les plus emblématiques du compositeur.
Parmi les contemporains et successeurs de Lully, trois compositeurs occupent une place de choix et ont, eux aussi, laissé au moins un « tube ». C’est le cas de Marin Marais, violiste de la Musique du roi, chef d’orchestre de l’Opéra de Paris et compositeur, dont la fameuse « tempête » tiré de son opéra Alcyone fit frémir le public d’alors, et reste aujourd’hui encore un must du répertoire. Marc-Antoine Charpentier, plus discret en son temps car n’occupant pas de place officielle à la cour, fut redécouvert au XXe siècle. Et c’est finalement un peu au hasard qu’il doit sa postérité, puisque les pompeuses mesures initiales de son Te Deum avec orchestre en Ré majeur furent choisies comme générique de l’eurovision : tout le monde connaît donc Charpentier, mais beaucoup sans le savoir ! Moins célèbre mais pourtant très goûté des afficionados, le Kyrie introductif de la Missa assumpta est Maria représente, lui aussi – mais dans un genre totalement différent – l’un des fleurons de l’art sacré du XVIIe siècle. Enfin, François Couperin est la troisième figure emblématique du renouveau de la musique française après la mort de Lully : claveciniste de la Chambre du roi, acteur engagé de la fusion des goûts italiens et français (les « Goûts réunis »), il laisse un grand nombre de chefs-d’œuvre parmi lesquelles ses Leçons de ténèbres à une et deux voix se détachent tout particulièrement : piété et sensualité se mêlent en mélismes et en figurations véritablement « baroques ».
Le règne de Louis XV est marqué par la révélation d’un génie supérieur, qu’on regarde comme l’un des artisans du plus pur style français : Jean-Philippe Rameau. Si le compositeur s’essaie à presque tous les genres, ce sont surtout ses opéras qui marquent ses contemporains et fascinent encore aujourd’hui. Regorgeant de pages originales, touchant régulièrement au sublime, on ne sait que choisir pour témoigner de son art. Alors, c’est l’orage de Platée et la Danse du grand calumet de la paix (connu sous le titre « Les Sauvages ») tiré des Indes galantes qui ont été retenus, mais il y aurait tant d’autres pièces à faire entendre ! Le règne de Louis XVI est quant à lui placé sous le signe du renouveau stylistique avec au moins deux auteurs dignes de figurer au Parnasse musical : André-Ernest-Modeste Grétry dont la Marche égyptienne tirée de la comédie lyrique La Caravane du Caire attire résolument l’attention, et Christoph Willibald Gluck, connu pour ses sept opéras français, mais dont Orphée et Eurydice reste le plus célèbre, notamment grâce au Ballet des Ombres heureuses avec flûte soliste, empreint d’une irrésistible poésie aux accents déjà préromantiques.