Chaque mois, le Centre de musique baroque de Versailles vous concocte une playlist thématique à écouter pour vous immerger dans le répertoire musical français des XVIIe et XVIIIe siècles. Bonne écoute !
Playlist audio #2
Par Barbara Nestola, directrice du Pôle recherche au CMBV
Découvrez les compositeurs et les genres italiens préférés du Régent.
Figure charismatique autant que controversée de l’histoire de France, le Régent a été un fervent admirateur de musique italienne. Par le choix de s’entourer de musiciens italiens et italianisants, il se démarque de la politique artistique de son célèbre prédécesseur, Louis XIV. Au début du XVIIIe siècle, le goût musical du Régent a favorisé l’essor de nouveaux genres italiens, comme la cantate, la sonate pour violon seul ou en trio, et le concert, dont cette playlist vous propose des extraits emblématiques.
À l’aube du Siècle des Lumières, la musique italienne fait fureur à Paris, et pour cause : l’un des principaux mécènes et admirateurs du style ultramontain est le Régent, successeur de Louis XIV. Prince compositeur, élève de Marc-Antoine Charpentier, Philippe II d’Orléans a réuni autour de lui tant des compositeurs italiens que des français enclins au goût italien.
Le violon
La sonate et le concerto, nouveaux genres de musique instrumentale arrivés d’Italie au début du XVIIIe siècle, mettent à l’honneur le violon soliste, qui se démarque par une écriture musicale virtuose et brillante. Les œuvres de Corelli et de Vivaldi connaissent un grand succès en France, et le Régent a été l’un des premiers à faire jouer ce répertoire par ses musiciens. Parmi les compositeurs de son entourage, on compte deux violonistes italiens : Michele Mascitti et Giovanni Antonio Guido. Formés à Naples, ils sont arrivés vers 1702 à Paris, où ils ont publié de nombreux recueils de sonates pour violon seul ou en trio et des concertos. Les sonates de Mascitti sont ouvertement inspirées de celles de Corelli, alternant mouvements lents – qui mettent en valeur les enchaînement harmoniques – et rapides – davantage focalisés sur la virtuosité. Les Scherzi armonici sopra le quattro stagioni dell’anno de Guido montrent ouvertement l’influence des Quattro Stagioni de Vivaldi : L’Automne, dont nous proposons ici l’écoute, reprend notamment le motif de la chasse rendu célèbre par le grand compositeur vénitien.
La cantate
Genre de musique de chambre par excellence, la cantate italienne circule à Paris dès la fin du XVIIe siècle, attirant la curiosité des compositeurs français qui se l’approprient rapidement. Les compositeurs du Régent participent beaucoup à ce rayonnement. Jean-Baptiste Stuck, originaire de Livourne et attaché au Régent, compte parmi les premiers, avec Jean-Baptiste Morin, autre musicien du Régent, à publier en France un recueil de cantates françaises, en 1706. Chez Stuck, le chant italien s’épanouit dans une écriture ornée et vocalisante, secondée par un accompagnement instrumental qui met à l’honneur le violon, une fois de plus. Morin s’approprie le modèle italien en réalisant une synthèse plus personnelle qui illustre bien la notion des « goûts réunis » - célèbre expression de Couperin pour désigner la fusion des styles italien et français – comme le montre le trio final « Charmant Amour » de la cantate Psyché et ses sœurs.
L’opéra
Parmi les compositeurs français du Régent les plus influencés par le goût italien, figure André Campra. Pendant les premières deux décennies du XVIIIe siècle, il a intégré dans ses œuvres lyriques des pièces chantées en italien, comme des airs et des duos, allant même à composer un acte entièrement en italien dans Le Carnaval de Venise. Par ailleurs, l’intention de donner des opéras italiens à Paris – le dernier avait été représenté pour le mariage de Louis XIV en 1662 – faisait partie des projets artistiques du Régent. Ce dernier entame vers 1722-23 des négociations avec Londres pour faire venir une partie de la troupe de Handel, et il aurait même été question de donner Giulio Cesare in Egitto à Paris. Malheureusement, le projet n’a pas pu voir le jour à cause de la disparition de ce prince passionné de musique italienne en 1723.