Le projet AcadéC est la première étude globale consacrée aux Académies de musique en France au XVIIIe siècle, sociétés à l’origine des premiers concerts publics. Il vise à leur conférer une visibilité et mettre en pleine lumière leur rôle déterminant dans la vie intellectuelle et artistique d’Ancien Régime.
Inscrit dans le sillage des travaux pionniers de Daniel Roche sur les académies (Le Siècle des Lumières en province, 1978), AcadéC invite à une réflexion pluridisciplinaire sur les sociétés artistiques. À ce titre, il est complémentaire des programmes de recherche ACA-RES (Les Académies d’art et leurs réseaux dans la France préindustrielle) et, dans le champ musicologique, Muséfrem (Musiciens d’Église en France à l’époque moderne) ou Dezède (Archives et chronologies des spectacles) qui documentent la vie musicale en province.
Les « Académies de musique » ou « Concert »
Les premières « Académies de musique » ou « Concerts » apparaissent dans les années 1710, et se développent de façon considérable entre 1720 et 1750. Leur rapide dissémination au sein du maillage urbain du territoire participe aux dynamiques culturelles de la France des Lumières et constitue un phénomène majeur de la vie musicale, celui des premiers concerts en société. Caractérisées à leurs débuts comme « académies » à part entière, et s’inscrivant par là même dans le mouvement général des sociétés savantes des XVIIe et XVIIIe siècles, les académies de musique obtiennent rapidement un statut officiel, et se dotent d’une devise, d’un cachet et de règlements.
Institutions hybrides tenant des sociétés savantes comme des entreprises de spectacles publics, les Académies de musique ou Concerts demeurent mal connues en dépit du soutien et de la reconnaissance que leur octroyaient les autorités urbaines et/ou monarchiques. C’est là un nouveau champ d’étude que mène le Centre de musique baroque de Versailles, portant sur des cadres de créations originaux, un répertoire singulier et un patrimoine à découvrir.
Par la mise en œuvre d’une enquête à l’échelle de l’ensemble du territoire français, AcadéC a non seulement permis de préciser une cartographie riche à ce jour d’une soixantaine de villes, en révélant des académies oubliées, mais, plus largement, de documenter la vie de ces institutions. La variété des fonds explorés a en effet caractérisé le chantier de collecte : archives produites par les académies elles-mêmes (fonds musicaux, registres de gestion et comptabilités…), fonds des institutions urbaines et monarchiques (délibérations municipales, sources fiscales ou policières, chroniques urbaines…). Le traitement des données dans la base interopérable en cours de constitution vise à faciliter l’accès et l’exploration de cette documentation au-delà des études de cas. Ainsi, le projet AcadéC rend visible la constitution, en province, de la première forme d’institution de concert qui a inspiré notamment la création du Concert spirituel parisien, des Concerts d’amateurs de la fin du XVIIIe siècle et jusqu’aux sociétés philharmoniques du XIXe siècle, qui se sont multipliés dans toute la France.
En organisant un concert par semaine dans au moins une soixantaine de villes en France et dans les provinces du Nord, les « Académies de musique » ou « Concerts » jouent un rôle majeur dans la vie de la cité par leur implication dans les réseaux intellectuels et artistiques, leurs relations avec les pouvoirs locaux et le pouvoir central, et s’affirment comme des lieux essentiels de production, d’exécution et de diffusion du répertoire musical français. Affirmant une continuité avec les foyers artistiques de la fin du règne de Louis XIV, tout en prenant part plus largement aux réseaux académiques européens, l’académisme musical français engendre un bouleversement sans précédent dans le paysage culturel de la France d’Ancien Régime. Le mouvement, qui acte aussi l’avènement des premiers concerts publics, entraîne une mutation sans précédent des espaces, des publics et des répertoires.
Bien qu’héritier des foyers artistiques de la fin du règne de Louis XIV, l’académisme musical opère une rupture au sein de l’espace public. La recherche d’un idéal académique fondé sur le savoir et l’expérience esthétique engendre en effet la remise en question des hiérarchies sociales habituellement admises. Ce bouleversement sans précédent du paysage culturel de la France d’Ancien Régime aura pour conséquence essentielle l’avènement des premiers concerts publics qui s’accompagne d’une profonde mutation des espaces, des publics et des répertoires. Plus largement, ce mouvement s’inscrit dans le développement des réseaux académiques européens au temps des Lumières.
Trois objectifs scientifiques
Identifier les institutions et constituer un corpus de ressources
Le premier objectif d’AcadèC est d’établir une cartographie générale des Académies de Concert entre 1710 et 1770, d’identifier leurs périodes d’activité, caractéristiques, interconnections, et d’en recenser les acteurs. Il s’agira de constituer et d’inventorier un corpus hétérogène (textes officiels, archives administratives, collections musicales et théoriques) souvent non signalé ou catalogué dans des fonds et institutions diverses.
Proposer une étude globale de l’académisme musical
Le deuxième objectif est de caractériser un fait majeur de l’Europe des Lumières absent jusqu’à présent des recherches musicologiques et que nous appellerons l’« académisme musical » en cherchant à le définir, le périodiser, identifier des pôles géographiques, sa place au sein de l’académisme européen, et en dégager les problématiques essentielles.
Porter un regard renouvelé sur le répertoire musical et ses pratiques
Le troisième objectif est d’identifier, d’étudier et de défendre un patrimoine musical français mal connu et inédit. Le répertoire des provinces ne saurait être considéré comme un répertoire annexe, voire anecdotique, mais mérite, au vu des premiers éléments d’analyse, d’être réévalué. Il constitue un témoin de premier ordre des pratiques musicales françaises et de la diffusion des genres.
Trois hypothèses de recherche
Les Académies de Concert constituent un quatrième lieu pour la musique, au même titre que l’Église, le Théâtre, et les cercles aristocratiques. Véritable moteur de la vie culturelle française, à l’identité propre, elles doivent figurer à leur juste place comme un fait majeur de l’histoire musicale. Il est urgent d’amorcer une réflexion sur l’émergence du Concert et la diffusion des répertoires dans ce cadre spécifique, et d’analyser la nouvelle dynamique insufflée par la création des Académies de Concert à partir de 1710.
Il faut dépasser l’opposition centre/provinces, et reconsidérer la relation entre le centre (Paris/Versailles) et les périphéries. Les foyers de création sont relativement émancipés des modèles parisiens ou versaillais, et la diffusion des œuvres et les carrières artistiques suivent des trajectoires géographiques diverses. Il faut alors proposer un regard neuf et élargi qui éclairera en retour les lieux de productions parisiens, la définition des genres, et replacera la vie provinciale dans un contexte européen plus large.
Les Académies de Concert ont su se doter d’un répertoire singulier. Elles ont adapté à leurs pratiques des genres musicaux issus de cadres d’exécution différents des leurs, c’est-à-dire régis par des contraintes (liturgie ou mise en scène), une économie, un espace et une sociologie autres. Comme le montre l’étude de la musique d’Église en France, il faut s’affranchir de la vision d’une œuvre définie exclusivement par l’acte créateur, et considérer les modalités polymorphes de sa diffusion (reprises et arrangements) comme autant d’existences manifestes, pour affirmer en conséquence la légitimité de la production provinciale.
Chantier de collecte et base de données
Le programme de recherche AcadéC intègre un vaste chantier de collecte en archives. Placé sous la direction de Bénédicte Hertz et de Pauline Lemaigre-Gaffier (UVSQ, Paris-Saclay), il vise à identifier et rassembler l’ensemble de la documentation relative aux académies de musique ou Concerts actifs en France depuis leur création dans les années 1700 jusque vers 1770.
La collecte, en cours, a débuté en février 2022, par des missions de terrain ponctuelles financées par l’Agence nationale de la recherche. Le partage d’une documentation déjà constituée par des contributeurs vient également l’enrichir sur des territoires spécifiques. Les études et le traitement des institutions présentent ainsi une grande hétérogénéité, conséquence à la fois de l’étendue variable des sources disponibles et de celle des recherches in situ.
La documentation est polymorphe et rassemble aussi bien les textes normatifs (lettres patentes, statuts et règlements) que les archives administratives (registres académiques, pièces comptables, délibérations municipales, inventaires…), les sources musicales (partitions générales et parties séparées), les livrets de paroles de concert, la correspondance de sociétaires, les écrits sur la musique (mémoires et essais théoriques), les entrefilets parus dans la presse, les pamphlets et poèmes satiriques, les billets d’entrée et affiches, les journaux et mémoires de contemporains, ainsi que des éléments iconographiques (emblèmes académiques, marques d’imprimeur, décors de salle, portraits…).
Les sources collectées viendront nourrir une base de données hébergée sur le site du CMBV (en cours de construction, publication 2025). Cette interface donnera à la fois accès à l’ensemble de la documentation rassemblée sous forme de bibliothèque numérique, à une synthèse par institution, ainsi qu’à une bibliographie détaillée.
Séminaires de recherche
- 2022-2023
Séminaire thématique « L’Académisme musical » (3 séances)
Responsables scientifiques : Irène Passeron, Mélanie Traversier et Thomas Vernet - 2023-2024
Séminaire thématique « Les réseaux » (3 séances)
Responsables scientifiques : Bénédicte Hertz et Thomas Vernet - 2024-2025
Séminaire thématique « Répertoires et pratiques musicales » (3 séances)
Responsables scientifiques : Nathalie Berton-Blivet et Bénédicte Hertz
Colloque conclusif
5-7 novembre 2025
Versailles, Centre de musique baroque de Versailles
équipe
COMITÉ SCIENTIFIQUE
Pierre-Yves Beaurepaire (Hist. moderne), Université Côte d’Azur
Youri Carbonnier (Histoire moderne), Université d’Artois
Bénédicte Hertz (Musicologie), CMBV-CESR
Raphaëlle Legrand (Musicologie), Sorbonne-Université
Pauline Lemaigre-Gaffier (Histoire moderne), Université Paris-Saclay
Irène Passeron (Histoire des sciences), IMJ-PRG
Émilie Roffidal (Histoire de l’art), FRAMESPA
Thomas Soury (Musicologie), Université Lumière-Lyon 2
Stéphane Van Damme (Histoire moderne), ENS-PSL
Thomas Vernet (Musicologie), Fondation Royaumont
ÉQUIPE ARTISTIQUE
Associée à l’étude et à la valorisation du répertoire, l’équipe artistique est constituée autour de Fabien Armengaud (Directeur artistique et musical des Pages et des Chantres du CMBV) et intègre une visée pédagogique. Elle est renforcée par des collaborations avec des ensembles musicaux professionnels partenaires du CMBV et de la Fondation Royaumont, ainsi qu’avec des départements de musique ancienne des Conservatoires (CNSMDL et CNSMDP, CRR de Paris, CRR de Versailles).
partenaires
Partenaires principaux
- Fondation Royaumont
- Institut de recherche en musicologie (IReMus)
Institutions partenaires
- Académies des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon
- Archives municipales de Lyon
- Bibliothèque municipale de Lyon
- Conservatoire National Supérieur Musique et Danse de Lyon (CNSMDL)






Un concert à Lyon au XVIIIe siècle






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