Théâtre de répertoire, l’Académie royale de musique avait pour singularité de rejouer régulièrement des partitions anciennes : Lully y fut ainsi représenté pendant plus d’un siècle, de 1673 à 1779. Pourtant, à partir du milieu du XVIIIe siècle, les reprises de ses opéras, comme ceux de Destouches, Campra ou Marais, s’accompagnaient presque toujours de remaniements musicaux et poétiques plus ou moins importants. Ceux-ci étaient avant tout destinés à adapter les œuvres aux chanteurs de la troupe, aux danseurs du ballet, et à l’évolution considérable de l’orchestre. Ce n’était donc pas tant le « goût du jour » qui comptait – même si le public avait tendance à privilégier des partitions de plus en plus dramatiques et virtuoses – que la nécessité de mettre en valeur les interprètes.
Le cas de Lully, toutefois, est particulier, dans la mesure où son récitatif était jugé comme le plus parfait modèle de déclamation qui soit. C’est donc avant tout les airs, les chœurs et les ballets qui furent retouchés, voir totalement changés. Relativement timides jusqu’à la fin des années 1750, les remaniements de Lully furent beaucoup plus importants après cette date. Deux partitions complètes encore conservées témoignent de cette pratique : le Persée, joué à Versailles en 1770 pour le mariage du futur Louis XVI et de Marie-Antoinette, remanié par Antoine Dauvergne, Bernard de Bury et François Rebel, et l’Armide, prévue pour être jouée à l’Opéra en 1778 en regard de l’Armide de Gluck, remaniée par Louis-Joseph Francœur. L’une et l’autre témoignent de la singularité du style français à cette période, et de la tentative – « admirable » diront certains, « sacrilège » diront d’autres – de maintenir en vie les œuvres de Lully, fleuron du patrimoine musical français un siècle après leur composition. C’est avec Hervé Niquet et son Concert Spirituel, spécialistes de Lully et férus de redécouvertes et d’aventures musicales, que le Centre de musique baroque de Versailles a choisi de remonter et d’enregistrer ces deux partitions.