Né à Vérone en 1750 et mort à Vienne en 1825, Antonio Salieri est l’un des compositeurs les plus importants de la période menant du baroque tardif au premier romantisme. Disciple de Gluck, principalement actif à la cour des Habsbourg en Autriche, Salieri devient rapidement une figure incontournable de son époque : les jeunes compositeurs affluaient de toutes les contrées de l’Europe pour apprendre du maître et recueillir ses avis. Élevé dans la tradition du bel canto italien, Salieri se montre très à l’écoute de son temps ; son style s’en ressent et, après avoir beaucoup œuvré dans le domaine de l’opera seria et de l’opera buffa, il s’illustre par une nouvelle manière, plus dense, plus dramatique, plus orchestrée. C’est grâce à l’appui de Gluck qu’il a l’opportunité de composer trois opéras français pour l’Académie royale de musique de Paris : Les Danaïdes (1784), Les Horaces (1786) et Tarare (1787). Le premier, Les Danaïdes, passe, à juste titre, pour l’un des chefs-d’œuvre du répertoire de l’Opéra à la veille du romantisme. Berlioz, qui aura l’occasion de l’entendre dans les années 1820, en sera frappé au point de se décider à devenir compositeur. Tarare, qui eut aussi un immense succès pendant plusieurs décennies, ne passa pourtant pas à la postérité. Des reprises de l’un et l’autre, entre 1960 et 1990 les révèleront au public moderne, mais dans des interprétations ne profitant pas encore du fruit de la « révolution baroque ». Quant aux Horaces, leur cuisant échec en 1786 semblait les vouer définitivement au silence.
Avec Christophe Rousset et ses Talens Lyriques, le Centre de musique baroque de Versailles a tenu à remettre à l’honneur cette « trilogie française » de Salieri, en enregistrant la première mondiale des Horaces et en proposant de nouvelles versions discographiques des Danaïdes et de Tarare. Ce travail d’exhumation, de recherche, d’édition et de recréation s’est déroulé sur six années (2013-2019), notamment grâce à l’implication de partenaires engagés comme le Palazzetto Bru-Zane, le label Aparté ou le Theater an der Wien. Forts de la présence du chœur d’adultes du CMBV, les Chantres, et de distributions excellentes rassemblant des personnalités comme Judith Van Wanroij, Karine Deshayes, Tassis Christoyannis, Jean-Sébastien Bou ou Cyrille Dubois, les opéras français de Salieri sont désormais disponibles dans des versions de référence, pour les spécialistes et les mélomanes.