Les juifs de Provence, à l’instar de leurs voisins chrétiens, composaient et chantaient leur liturgie hébraïque sur des airs musicaux profanes à la mode. Entre le XVIe et le XVIIIe siècle, leurs livres de prières en hébreu, manuscrits et imprimés, conservent souvent des fragments voire des textes entiers de ces chansons profanes, notées en provençal et en français en lettres hébraïques, à côté de leurs contrafactures sacrées en hébreu dont elles servent d’indicateur mélodique. Au-delà de son intérêt linguistique et philologique, ce corpus inédit, où se côtoient des airs de cour et de vaudeville parisiens, des airs d’opéra et beaucoup de chansons de facture populaire, lève un voile sur ce qu’était le répertoire chansonnier oral d’une province française à l’époque baroque — et ce qui en était assez connu pour passer les murs des ghettos. Il renseigne sur la circulation orale des chansons, de leurs airs et de leurs textes, par-delà les frontières provinciales, linguistiques et religieuses. Ces chansons et leurs réécritures hébraïques seront transcrites, éditées, interprétées, analysées linguistiquement, philologiquement et historiquement, permettant à terme l’interprétation musicale conjointe de ce répertoire oral et de ses contrafactures hébraïques.