Le musicologue américain Don Fader a pu retrouver une source musicale des cantates de Philippe d’Orléans, dont seules les paroles étaient connues jusqu’ici. Il viendra présenter sa découverte lors de cette septième séance du séminaire sur la cantate en France au XVIIIe siècle. La musicologue allemande Inken Meents présentera quant à elle des cantates inédites de l’entourage du Régent ; tous deux proposeront ainsi de nouvelles hypothèses sur la naissance du genre.
L’atelier de ce séminaire réunira, autour des musicologues, les étudiants du CRR de Saint-Maur, qui ont recomposé les parties de violon manquantes des cantates du Régent, et les étudiant(e)s des CRR de Paris et de Boulogne-Billancourt, qui les interpréteront en première mondiale.
Programme
10h30-12h45 / Séminaire
- 10 h 30
Accueil et actualités du séminaire - 10 h 45
Don Fader (Université d’Alabama)
Les cantates de Philippe II d’Orléans redécouvertes : un nouveau regard sur l’histoire de la naissance de la cantate française
Les cantates de Philippe d’Orléans n’étaient connues que par leurs textes jusqu’à la découverte de leurs parties vocales et de basse continue dans un manuscrit de la Württembergische Landesbibliothek à Stuttgart. La partition fut copiée dans la première partie du XVIIIe siècle, probablement à la demande de Marie Thérèse de La Motterie (1692-1751), une claveciniste et chanteuse amateur, et femme de Joseph Lothar Dominik von Königsegg und Rothenfels (1673-1751) qui servit comme émissaire diplomatique de l’Empereur autrichien auprès du Régent, de 1717 à 1719.
Bien qu’il ne soit pas possible de dater précisément ces cantates, elles remontent sans doute aux années précédant le début du service militaire du duc en 1706, la période où il est actif à la fois comme mécène et comme compositeur. Les cantates sont dominées par des éléments de style qui semblent atypiques : des accompagnements à plusieurs instruments, des suites d’arias, et des arias da capo avec des parties B d’un style et d’une mesure différente (des « airs contrastés », qui qu’on trouve presque uniquement dans les premières cantates de Jean-Baptiste Stuck). Leur style reflète le choix des textes, qui sont tous d’un genre adopté du pastoral italien, et qui consistent en un monologue énoncé par un personnage instable (un topos qu’on pourrait nommer « l’amant tourmenté »). La musique des cantates suit les changements continus de sentiments de ces personnages avec une série d’airs variés, avec peu de récitatif. Cette approche produit des formes musicales plus fluides que ne le permet l’alternation simple des récitatifs et des airs qu’on trouve dans les cantates italiennes. Ces caractéristiques peu orthodoxes provoquent une réévaluation du récit historique sur « l’invention » de la cantate française, habituellement associé aux vers, inspirés par l’ode mythologique, développés par Jean-Baptiste Rousseau. Un nouvel examen des premières cantates des compositeurs de Philippe d’Orléans, à la lumière de ses propres œuvres en la matière, et aussi des premiers vers de Rousseau (identifiés dans une collection imprimée à Rotterdam en 1712), permet de conclure que les premières cantates ont été presque toutes du type « l’amant tourmenté ». La redécouverte des cantates de Philippe d’Orléans ne sert donc pas seulement à documenter la participation du duc dans l’invention de la cantate française, mais aussi à révéler la nature de l’expérimentation avec la musique et la dramaturgie qui fit naître les premières cantates
- 11 h 30
Discussion - 11h45
Inken Meents (doctoresse en musicologie, université Christian-Albrecht de Kiel ; dramaturge, théâtre de Pforzheim)
The Philomela myth and the birth of the French cantata (« Le mythe de Philomèle et la naissance de la cantate française »)
Three French cantatas by Jean-Baptiste Morin, Pietro Antonio Fiocco and Jean-Baptiste Stuck are based on the same ode by Jean-Baptiste Rousseau on the bucolic-mythological figure Philomela. Around the same time, however, Rousseau must have written his first cantata poems, for which he says he was inspired by listening to Italian cantatas. Other cantata compositions were also created at the same time, which in turn were often based on Rousseau's cantata poems and with which the birth of the French cantata genre was officially heralded. In this context, the Duc D'Orléans is also of great importance, since he himself composed an opera to the Philomela myth (lost), he promoted the composers and their cantatas and Stuck's first book of cantatas is dedicated to him, in which the first piece is his Philomèle cantata – the cantatas by Morin and Fiocco, however, remained unprinted. These events suggest that there may be direct connections between them and the genesis of the French cantata and the Philomèle myth. In the lecture, these connections will be shown further and possible processes and their significance for the emergence of the French cantatas and their peculiarities will be discussed through a comparison of the Philomèle cantatas by Morin, Fiocco and Stuck.
Trois cantates françaises de Jean-Baptiste Morin, Pietro Antonio Fiocco et Jean-Baptiste Stuck sont basées sur la même ode de Jean-Baptiste Rousseau, et sur la figure bucolique et mythologique de Philomèle. Vers la même époque, cependant, Rousseau doit avoir écrit ses premières cantates poétiques, pour lesquelles il dit s'être inspiré de l’écoute de cantates italiennes. D'autres cantates ont également été composées à la même époque, qui à leur tour étaient souvent basées sur les poèmes de Rousseau, avec lesquelles la naissance du genre de la cantate française est généralement associée. Dans ce contexte, le duc D'Orléans est également d'une grande importance, puisqu'il a lui-même composé un opéra sur le mythe de Philomèle (perdu), qu’il a promu les compositeurs et leurs cantates, et que le premier livre de cantates de Stuck lui est dédié. Dans ce dernier, la première pièce est justement Philomèle ; les cantates de Morin et Fiocco sont cependant restées inédites. Ces événements suggèrent qu'il peut y avoir un lien direct entre eux, la genèse de la cantate française, et le mythe de Philomèle. Dans notre communication, nous expliciterons ces liens plus en détail et les processus possibles ; leur signification pour l’émergence des cantates françaises et leurs particularités seront discutées à travers une comparaison des cantates Philomèle de Morin, Fiocco et Stuck.) - 12h30
Discussion
14h-17h / Atelier
- 14h-14h45
Philippe d’Orléans, L’Amant trahi : restitution et discussion - 14h55-15h40
Philippe d’Orléans, La Résolution inutile : restitution et discussion - 15h50-16h35
Philippe d’Orléans, Le Dégoût des grandeurs : restitution et discussion
Avec :
- les étudiant(e)s de la classe d’écriture du CRR de Saint-Maur (professeur : François Saint-Yves)
- les étudiant(e)s du département de musique ancienne du CRR de Paris (responsable pédagogique : Jean-Christophe Revel) et du CRR de Boulogne-Billancourt (coordinateur pédagogique : Eloy Orzaiz)
- Don Fader, Inken Meents, François Saint-Yves, Nathalie Berton-Blivet, Julien Dubruque et Thomas Vernet
La cantate française, genre en vogue du XVIIIe siècle, est un terrain de jeu particulièrement fertile pour les compositeurs qui s’amusent entre le style français et le style italien, entre le théâtre et le salon.
Ce séminaire, qui associe musicologues, littéraires et musiciens, ambitionne de faire une synthèse sur le genre et de proposer aux interprètes des approches renouvelées, à la lumière des sources et des recherches apparues depuis plus de 20 ans.
Les séances proposent à la fois des communications scientifiques et un travail avec les interprètes pour explorer ce répertoire : la figure du Régent sera par exemple abordée, protecteur d’un grand nombre de musiciens attirés par l’Italie et par la cantate et compositeur lui-même, ses productions ayant été récemment redécouvertes par le musicologue américain Don Fader. Elles feront l’objet d’une séance complète.
Autour du séminaire s’organisent des actions scientifiques un catalogue de la cantate et de la cantatille est en préparation éditoriales avec de nouvelles publications aux éditions du Centre de musique baroque de Versailles et pédagogiques en partenariat notamment avec le Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris.
Projet de publication du catalogue de la cantate et de la cantatille en France. Mise en ligne de la première version prévue en 2023.