Chaque mois, le Centre de musique baroque de Versailles vous concocte une playlist thématique à écouter pour vous immerger dans le répertoire musical français des XVIIe et XVIIIe siècles. Bonne écoute !
Playlist par Julien Charbey, administrateur des éditions au CMBV
Entre le XVIIe et le XVIIIe siècle en France, parmi les plus belles pages de musique sacrée ont été écrites. Que l’on pense au répertoire de la chapelle royale et la création du grand motet français, dans son architecture grandiose, le répertoire de dévotion, d’une touchante intimité, le développement de l’oratorio qui embrasse l’opéra, les pages d’orgue, les messes, les hymnes, les Leçons de Ténèbres, les méditations, les répons, les antiennes, les noëls… Impossible d’en résumer toutes les ramifications, développement et évolution dans toute leur richesse et dans les différents contextes du royaume de France, à la cour, à la ville, dans les couvents, les cathédrales, à Reims, à Dijon, à La Rochelle, à Bordeaux, à Saintes, à Clermont-Ferrand, au Puy-en-Velay, à Lyon, à Marseille, à Pau, à Carpentras, à Aix-en-Provence…
Cette playlist propose un parcours historiquement chronologique et parfaitement subjectif tiré principalement d’enregistrements auquel le Centre de musique baroque de Versailles a contribué d’une façon ou d’une autre durant son histoire, variant les compositeurs, les interprètes, les genres musicaux et les pratiques en fonction des lieux dans lesquels la musique sacrée s’incarne.
Nous commençons le voyage par un Te Deum en français de Claude Lejeune qui aurait pu être donné au mariage d’Henri IV, ici interprété par l’ensemble Doulce Mémoire dirigé par Denis Raisin-Dadre. En clin d'œil à la dédicace de la France à La Vierge Marie par le roi Louis XIII, l’hymne mariale Assumpta est Maria de Guillaume Bouzignac dans un enregistrement monographique de la Maîtrise du CMBV dédié à Nicolas Formé, l’un des compositeurs favoris du roi. Enfin, un motet d’Antoine Boesset tiré du disque Meslanges pour la Chapelle d’un Prince enregistré par l’ensemble Correspondances en 2013, s’appuyant sur le recueil d’Etienne Moulinié
La Missa macula non est in te du mystérieux Louis Le Prince, “symphoniarche et chapelain” de la cathédrale de Lisieux publiée chez Ballard nous accompagne en ce début du règne de Louis XIV dans un très beau contrepoint mis en valeur par le Concert Spirituel d’Hervé Niquet. Tandis qu’à la chapelle du Louvre, bien avant l’installation du roi à Versailles, un motet d’Henry Du Mont restitué dans sa probable forme originale résonne, interprété par l’ensemble Pierre Robert de Frédéric Desenclos. Puis Jean-Baptiste Lully vient nous proposer une version plus architecturée du grand motet pour des cérémonies extraordinaires, dessinant les débuts de Versailles avec un Miserere probablement entendu pour la première fois durant la Semaine Sainte de 1663 en l’église Saint-Bernard de la maison des Feuillants à Paris.
Le faste de la musique au tournant du XVIIIe siècle est illustré par un extrait du célébrissime Requiem de Jean Gilles, enregistré par La Chapelle Royale de Philippe Herreweghe. Michel-Richard de Lalande nous offre un exemple du grand motet versaillais tel qu’il s’incarne dans la cinquième et dernière chapelle du château, sacrée en 1710. Tandis que Pierre Tabart, compositeur à la cathédrale de Meaux, nous offre une vision plus épurée du contrepoint à la même période, magnifiquement rendu par l’ensemble La Fenice et le chœur Jacques Moderne sous la direction de Jean Tubéry. On retourne ensuite à l’orgue de la chapelle royale de Versailles pour écouter la Messe ordinaire à l’usage des paroisses de Couperin le Grand sous les doigts de Marina Tchébourkina.
A la ville, le grand Marc-Antoine Charpentier nous offre un chœur de toute beauté, tiré d’une histoire sacrée composée pour le théâtre des Jésuites à Paris, Mors Saülis gravé par Il Seminario Musicale de Gérard Lesne. Et pour pleurer la mort de Saül l’on fait appel aux Leçons des morts de Sébastien de Brossard, avec les voix de Véronique Gens et Gérard Lesne en duo.
Le règne de Louis XIV s’achève, Madame de Maintenon entretient la dévotion du roi, une nouvelle génération de musiciens vient. Jean-François Novelli offre une interprétation poignante du motet d’André Campra, Nunc dimittis, où la musique et le chant ne font plus qu’un et le motet se transforme en sermon. L’on rejoint les Demoiselles de Saint-Cyr avec le Miserere que compose à leur intention Nicolas Clérambault, ici sous la direction d’Emmanuel Mandrin. Le motet Lauda Jerusalem d’Henry Desmarest, adressé comme une supplique au roi afin d’obtenir son pardon, vient clore cette période si riche.
Sous le règne de Louis XV, le grand motet s’autorise à quitter le cadre liturgique. En province, il se donne dans les Académies de concert avant de s’imposer au Concert Spirituel à Paris. Mondonville nous en donne un bel exemple dans son Magnus Dominus, la musique prend le pas sur le pouvoir orant, interprété par Chantal Santon Jeffery et Daniela Skorka avec l’Orfeo Orchestra dirigé par György Vashegyi.
Le siècle des Lumières s’achève. Le Tuba mirum du Requiem de François-Joseph Gossec conclut ce panorama de deux siècles de musique sacrée en France. Il illustre parfaitement la bascule vers le classicisme et la place que l’orchestre prend dans ces œuvres, avec son orchestre éloigné de cuivre qui inspira Berlioz, ici avec La Grande Ecurie et La Chambre du Roy sous la baguette de Jean-Claude Malgoire.