Chaque mois, le Centre de musique baroque de Versailles vous concocte une playlist thématique à écouter pour vous immerger dans le répertoire musical français des XVIIe et XVIIIe siècles. Bonne écoute !
Par l'Ensemble La Palatine, ensemble en résidence au CMBV de 2022 à 2024, à l'occasion du projet Lab'baroque
Les Italiens à Paris sous Louis XIV
Note d’intention par Guillaume Haldenwang, co-directeur de l’ensemble La Palatine
Avez-vous déjà entendu parler de Gatti, Stuck, Guido, Bembo ou encore Lorenzani ?
Aujourd’hui, ces noms ont été éclipsés par la figure impérieuse de Jean-Baptiste Lully, l’omnipotent Surintendant de la Musique du Roi-Soleil. Ces compositeurs italiens ont pourtant occupé une place de choix dans le paysage musical français du Grand Siècle. Et si Louis XIV, durant tout son règne, a tenté de promouvoir un art typiquement français, il collectionnait le Caravage et Guido Reni, passait des commandes au Bernin, et appréciait particulièrement la musique italienne.
De l’enfance du roi jusqu’au crépuscule de son règne, nous avons voulu évoquer à travers trois “actes” l’évolution de cette présence italienne en France. La première partie évoque ainsi l’ère du Cardinal Mazarin, au cours de laquelle sera révélé un jeune Florentin ambitieux du nom de Giovanni Battista Lulli. La seconde partie nous transporte dans les années 1670, qui voient des compositeurs ultramontains venir tenter à leur tour leur chance dans le royaume de France. C’est dans cette période foisonnante, alors que les esthétiques se mêlent ou s’opposent, que l’on rencontre les profils très variés de Gatti, Stuck ou Bembo. Enfin, la dernière partie illustre le tournant stylistique opéré autour de 1700 à travers les œuvres parfois très corelliennes de Stuck ou encore Guido, venus en France à l’invitation du futur régent Philippe d’Orléans.
Avec cet enregistrement, nous avons souhaité aller au-delà de Lully, dépasser l’arbre qui cache la forêt et redonner sa place à un répertoire qui nous semble essentiel à la compréhension des goûts musicaux de cette période. Après un long travail de lecture, nous avons sélectionné dans ce riche corpus nos coups de cœur ainsi que les pièces qui nous semblaient le mieux illustrer la singularité de ce répertoire. Certaines partitions, notamment chez Gatti, se sont révélées particulièrement complexes à éditer, en raison des nombreuses erreurs présentes dans les sources. Nous avons dû entreprendre un travail minutieux de correction, parfois de réécriture de parties intermédiaires, et surtout d’ornementation, en nous inspirant des principes proposés par Muffat dans son Florilegium Secundum de 1698.
Lors de nos premières répétitions, ce fut une profonde émotion d’entendre sonner ces partitions oubliées. Nous garderons à jamais en mémoire le sourire de Nicolas lorsque résonnèrent, sur un tapis soyeux de cordes, les mots : “Divin Père de l’harmonie, fais sentir le pouvoir de nos savants accords ; du feu de tes ardents transports, échauffe notre heureux génie”.