Du 30 septembre au 12 octobre, le CMBV a accueilli deux étudiants violonistes sud-américains qui participent à la production d'Armide, dans le cadre d'un partenariat pédagogique entre le CMBV, le Teatro Colón de Buenos Aires et le Pôle Supérieur Paris Boulogne-Billancourt. Retour sur ces deux semaines d'immersion française, au son des 24 Violons du Roi !
- Vous êtes tous deux violonistes en formation à l’académie du Teatro Colón de Buenos Aires, pouvez-vous nous présenter votre parcours ? Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Franco Ariel Piacenza Chercasky : « Pendant deux ans, j’ai suivi une formation d’alto, sur instrument moderne, à l'institut du Teatro Colón. Cette formation était principalement axée sur la pratique orchestrale. Ensuite, j’ai commencé une formation de violon en musique ancienne, car je me suis rendu compte qu’il y avait peu de répertoire pour l’alto. Sous forme d’ateliers pour cordes, cette formation permet de sensibiliser, à la musique ancienne, les musiciens qui jouent sur instrument moderne. Elle est ouverte aux élèves et aux anciens élèves de l’institut du Teatro Colón. Le travail est très collectif et s’organise autour d’un ou deux projets par an. L’année dernière, nous avons remonté Les Indes galantes de Rameau et cette année, nous nous attaquons à Armide de Lully. »
Matías Iván Ormeño Orellana : « J’ai obtenu une licence de musique, en violon moderne, à l’Université de Talca, au Chili. Par la suite, je suis partie à Buenos Aires pour étudier le violon sur instrument moderne à l’Institut du Teatro Colón. En parallèle, je suis la formation de musique ancienne. Cet atelier de musique ancienne est très nouveau : il date de moins de deux ans et a été mis en œuvre par le directeur de l’institut Marcelo Birman. L’Institut a une vraie démarche au niveau des instruments : ils ont restauré des instruments anciens, ils ont acheté des archets pour permettre de développer la musique ancienne au sein de l’Institut, etc. »
- Aujourd’hui, vous êtes accueillis en France, au CMBV durant 2 semaines, dans le cadre de la recréation d’Armide en novembre à Buenos Aires, fruit d’un nouveau partenariat entre le CMBV et l’Institut supérieur des Arts du Teatro Colón de Buenos Aires. En quoi a consisté le planning de ces deux semaines ? Qu’avez-vous fait au CMBV ?
F.A.P.C. : « On a assisté à de nombreux cours, notamment du chœur des Pages & des Chantres et des cours de chant individuels au CMBV. On a rencontré Julien Dubruque qui nous a parlé des éditions et Barbara Nestola, du travail de recherche qui est mené au CMBV. La Recherche, c’est un domaine que l’on a découvert ici car en Argentine ce n’est pas du tout développé dans le cadre de la musique ancienne, nous n’avons pas de centre comme le vôtre ! Ces deux semaines au CMBV nous ont apportées beaucoup de nouveautés et de découvertes. L’une des expériences que j’ai le plus apprécié, c’est le cours d’ornementation musicale de Fabien Armengaud. En Argentine, il n’y a malheureusement personne qui ait cette connaissance extrêmement précise de tous les types d’ornements que l’on trouve dans la musique française.
M.I.O.O. : « Ce qui a été fondamental pour moi, et qui fut l’une de nos activités principales durant ces deux semaines au CMBV, ce fut les cours de violon baroque avec Benjamin Chénier. Cela nous a permis de travailler l’œuvre d’Armide que l’on va donner à Buenos Aires, mais aussi de nous intéresser à d’autres compositeurs comme Leclair. Nous avons pu travailler le style, l’interprétation et l’esthétique de la musique baroque française. Les autres activités proposées nous ont permis de mettre un peu de contexte autour de cette œuvre. On a aussi pu visiter le château de Versailles et assisté à deux spectacles, Atys en folie et Richard Cœur de Lion. Cela nous a permis de nous rendre compte concrètement du résultat d’un travail artistique. Ce fut très précieux. »
- Dans le cadre de ce projet, le CMBV a mis à disposition du Teatro Colón les 24 violons du Roi, que vous avez pratiqué en tant que violoniste, pouvez-vous nous en dire plus ? Aviez-vous déjà joué de la musique baroque française avant, notamment sur des instruments anciens ?
F.A.P.C. : « J’ai découvert l’existence des 24 Violons du Roi en suivant les vidéos du CMBV via leurs réseaux sociaux. Quand j’ai su qu’ils arrivaient à Buenos Aires, j’ai été vraiment très heureux, j’avais très hâte de pouvoir faire de la musique à 5 parties de violon. Ce sont des instruments très particuliers qui exigent un positionnement différent. Je joue la haute-contre et je dois dire que… je dois constamment m’adapter ! C’est un exercice très intéressant ! »
M.I.O.O. : « Pour être honnête, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. J’ai été assez surpris quand on nous a appris que ce type d’instrument allait arriver. Et il se trouve que, le jour de leur arrivée à Buenos Aires, je passais dans les bureaux et le directeur m’a invité à assister à l’ouverture des « caisses ». A ce moment-là, tout le monde était tellement enthousiaste et surpris ! Ils sont vraiment plus petits que ceux à quoi je m’attendais. Jouer ces instruments requiert beaucoup de travail d’adaptation… c’est un défi ! »
- Au cours de ces deux semaines, qu’avez-vous découvert, appris, ressenti ? Qu’est-ce que cette immersion française vous a apporté ?
F.A.P.C. : « Ce séjour au CMBV m’a apporté beaucoup de motivation, d’envie de continuer ma formation de musicien et de m’intéresser aussi davantage au répertoire français car c’est cette musique qui m’intéresse le plus. Mais malheureusement, en Argentine, il n’y a pas beaucoup de perspective professionnelle pour les musiciens. C’est quelque chose que je fais par passion, à côté d’un autre travail. Mais cette expérience au CMBV m’a donné une idée concrète de ce métier et m’a montré qu’il était possible d’en faire mon métier ! »
M.I.O.O. : « Ça m’a permis de pouvoir rendre une interprétation plus juste et plus correcte de la musique française. De pouvoir aussi transmettre aux autres étudiants à Buenos Aires tout ce que nous avons appris ici. En étant immergé dans le contexte, on a mieux saisi les subtilités de la musique baroque française. »
- Vous ferez partie du pupitre de violon lors des représentations d’Armide, la première du chef d’œuvre en Argentine, pouvez-vous nous en dire plus ? Avez-vous hâte ?
F.A.P.C. : « On est très impatient car ce projet représente beaucoup de nouvelles choses pour nous : le fait de jouer à 5 parties, jouer du Lully… c’est très enthousiasmant ! Je suis très curieux de voir quelle va être la réaction du public argentin. »
M.I.O.O. : « Moi j’ai vraiment hâte de découvrir comment est-ce que ça va sonner, comment nous allons pouvoir montrer le fruit de notre travail, notre progression. Et puis, on a tous les deux la responsabilité de devoir transmettre aux autres musiciens tout ce que l’on a pu apprendre ici. J’ai beaucoup d’attentes par rapport à ce qu’on va produire et la fidélité qu’on va pouvoir rendre à la musique française, au regard de ce que l’on a appris ici. J’ai hâte de jouer l’œuvre ! … En tout cas, merci ! On est très reconnaissant pour votre chaleureux accueil et on espère pouvoir revenir un jour.