L’historique des bâtiments
Les bâtiments qui abritent aujourd’hui le Centre de musique baroque de Versailles ont été bâtis entre 1741 et 1748, sur un terrain acheté par Louis XV, pour y loger l’administration des Menus-Plaisirs du Roi.
Disposant de nombreuses et grandes salles, l’Hôtel permettait notamment d’y entreposer accessoires, décors, etc. utilisés pour les représentations de théâtre et d’opéra lors des fêtes données devant la Cour à Versailles. Il fut agrandi en 1786 par la construction d’un magasin. C’est là également que logeait et travaillait l’Intendant des Menus-Plaisirs, chargé de l’administration des spectacles et représentations au Château (l’un d’eux, Denis Papillon de la Ferté, a laissé son Journal qui nous renseigne sur l’institution à la veille de la Révolution).
L'administration des Menus-Plaisirs
Si l’administration des Menus-Plaisirs a été créée dès 1627, c’est-à-dire sous le règne de Louis XIII, ce n’est que sous celui de Louis XIV, son fils, qu’elle prendra toute son ampleur. Mise en place pour assurer une meilleure efficacité et surtout une meilleure gestion de la Maison du Roi (son « intendance » en quelque sorte), les Menus-Plaisirs vont rapidement être la principale institution chargée de l’organisation des plaisirs culturels de la Cour : les représentations de théâtre et d’opéra, bien sûr, mais également les fêtes et cérémonies de Cour qui vont prendre de plus en plus d’importance à partir du moment où le jeune Louis XIV assoit son pouvoir personnel, à partir des années 1660.
C’est ainsi que naquit l’Administration de l’Argenterie, des Menus-Plaisirs et Affaires de la Chambre du Roi, destinée à se maintenir jusqu’à la fin de l’Ancien Régime et à contribuer de façon décisive au rayonnement de la France dans toute l’Europe des XVIIe et XVIIIe siècles. D’abord localisée à Paris, cette administration se déplace ensuite à Versailles, après l’installation de la Cour en 1682.
Les attributions des Menus-Plaisirs (formule abrégée que l’on donne habituellement à cette administration et qui permettra à certains d’ironiser sur ces « plaisirs que l’on dit menus ») sont très étendues et touchent de près les membres de la famille royale. On y gère l’ensemble du personnel attaché à la Cour (musiciens, médecins, gentilshommes, etc.), l’entretien des voitures et des magasins, les fêtes religieuses, les spectacles, les événements dynastiques (naissances, mariages, funérailles, etc.), les Lits de Justice, etc. À ces attributions s’ajoutent, au cours du XVIIIe siècle, l’administration de la Comédie-Française, de la Comédie-Italienne et de l’Opéra.
Les bâtiments sous la Révolution
L’Hôtel des Menus-Plaisirs fut choisi, en 1789, pour accueillir les États-Généraux : il fallait en effet des bâtiments suffisamment vastes, pourvus de grandes salles, pour placer les 1 200 députés des trois Ordres (Noblesse, Clergé, Tiers-état), ainsi que la famille royale, les Princes et Princesses du sang, les Parlementaires, le gouvernement et le public (dès 1787, le site avait d’ailleurs été choisi pour accueillir l’Assemblée de Notables, préfiguration des États-Généraux, dans une salle provisoire élevée pour la circonstance).
Les bâtiments, tels qu’ils existaient en 1789, ne suffisaient pas : aussi fut-il décidé d’agrandir, dans l’urgence, le magasin de 1786, qui se trouvait dans l’actuelle cour « haute ». Cet agrandissement fut confié à l’architecte Pierre-Adrien Pâris.
Située au premier étage de l’ancien magasin, la Salle des États-Généraux mesurait 50 mètres de long, 25 de large et 10 de haut. Rectangulaire, elle permettait à chaque Ordre de prendre place, groupé, autour de l’estrade royale. Des salles adjacentes permettaient en outre à la Noblesse et aux membres du Clergé de se réunir séparément.
Les autres bâtiments furent également modifiés pour l’occasion et les magasins transformés en bureaux, salles de réunions et dépendances pour le service de l’Assemblée. C’est également à cette époque que fut construit le grand escalier de l’aile Est ; il subsiste aujourd’hui et conduit, notamment, à la Bibliothèque du CMBV, aménagée dans l’ancienne salle de réunion du Clergé.
Le 5 mai 1789, les États-Généraux sont ouverts ; leur organisation est confiée au Grand Maître des Cérémonies, le marquis de Dreux-Brézé, le même qui fut apostrophé le 23 juin, alors qu’il demandait aux députés de quitter la salle, notamment par Mirabeau et le célèbre « Nous sommes ici par la volonté du Peuple et nous ne quitterons nos places que par la puissance des baïonnettes ».
La Révolution est en marche : les États-Généraux deviennent le 17 juin « Assemblée nationale », la salle est réaménagée et les députés se réunissent provisoirement dans une salle voisine, celle du Jeu de Paume, immortalisée par le fameux serment. L’Assemblée se proclame très vite « Assemblée Constituante » ; l’ancienne salle des États-Généraux devient ovale, allusion à l’Antiquité et à l’élan démocratique grec. C’est là que l’Assemblée vote l’abolition des privilèges (le 4 août 1789) ainsi que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (le 26 août 1789).
Après le départ de la Cour pour Paris, le 6 octobre 1789, les députés s’installent dans la salle du Manège des Tuileries, après avoir occupé, à Versailles, une salle de l’archevêché.
Les temps d’oubli et la résurrection des lieux
L’Hôtel des Menus-Plaisirs est abandonné par les députés en octobre 1789 ; le site perd alors son rôle de théâtre privilégié de la grande histoire et entre dans une longue période de déclin et d’oubli.
Le bâtiment est affecté en 1791 au régiment des Flandres, ce qui le sauve de la destruction (en partie du moins, car la salle d’Assemblée est détruite en 1802 par un spéculateur – il n’en reste qu’une évocation dans la cour « haute », face au bâtiment de l’actuelle Maîtrise du CMBV). L’ensemble du site est réintégré dans le domaine de la Couronne en 1812, mais Versailles ne retrouvera pas, pour autant, le prestige qui était le sien sous l’Ancien Régime.
En 1832, l’Hôtel est affecté au Département de la guerre : il devient, comme beaucoup d’autres bâtiments, une caserne de cavalerie. Ce n’est qu’en 1948 qu’il quitte le Ministère de la Guerre, après avoir été, notamment, le lieu d’inscription au S.T.O en 1944, pour passer sous la tutelle du Ministère de l’Éducation nationale, puis sous celle du Ministère de la Culture, tout en étant occupé, jusqu’en 1975, par la ville de Versailles qui y loge ses services techniques.
Laissés à l’abandon en 1975, les locaux se dégradent rapidement, jusqu’aux premiers travaux entrepris en 1989 dans la cour « haute », poursuivis dans les années 1990 par la réfection de la cour « basse » et de l’Hôtel proprement dit, avant que le Centre de musique baroque ne s’y installe en 1996.
Après plus de deux siècles, l’Hôtel des Menus-Plaisirs, désormais propriété du château de Versailles, retrouve ainsi une de ses vocations initiales : la conception, l’organisation et l’administration de spectacles, de concerts, au château ou ailleurs…