Chaque mois, le Centre de musique baroque de Versailles vous concocte une playlist thématique à écouter pour vous immerger dans le répertoire musical français des XVIIe et XVIIIe siècles. Bonne écoute !
Playlist audio #14
Playlist par Benoît Dratwicki, chercheur et directeur artistique au CMBV
L’opéra français inventé par Lully fait la part belle aux « fêtes » spectaculaires qui ponctuent chaque acte, permettant l’intervention des grandes masses chorales et orchestrales. Au cours de ces divertissements, les personnages principaux s’écartent pour laisser respirer l’intrigue et mettre l’accent sur la musique et la danse. Les « fêtes » que l’on célèbre alors sont de tous types, en fonction des besoins dramaturgiques du livret ; mais les « jeux », ou compétitions, sont une ressource souvent utilisée. Qu’il s’agisse de copier les anciennes joutes athlétiques, d’imaginer des concours artistiques ou des mises en scènes guerrières où les troupes se toisent, tout est bon pour faire paraître les danseurs du corps de ballet dans des pas virtuoses et des combinaisons de groupe élaborées, et même inviter des instrumentistes à se produire sur scène.
La tragédie en musique Persée (1682) de Lully, proposée ici dans sa révision par le compositeur Antoine Dauvergne, datée de 1770 et représentée à Versailles pour le mariage du futur Louis XVI et de l’archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche, intègre des « Jeux junoniens », en hommage à la puissante Junon qui frappe le royaume d’Éthiopie d’une terrible malédiction. On dispute différents prix pour lui plaire (la lutte, l’arc et la danse), qu’on entremêle de chants collectifs et de suppliques. Mais la déesse reste inexorable.
La troisième entrée des Fêtes de l’Hymen et de l’Amour (1747) de Jean-Philippe Rameau, ballet créé à Versailles à l’occasion du mariage du fils de Louis XV avec Marie-Josèphe de Saxe, met en scène – dans un contexte maçonnique – une compétition où danseurs, chanteurs et musiciens alternent pour faire valoir leur talent et démontrer le génie de l’esprit humain, capable des plus grandes réalisations artistiques. Une sarabande avec instruments concertants, un air avec deux musettes et des danses virtuoses sont autant de propositions faites par Rameau et son librettiste Cahusac.
Dans sa tragédie en musique Hercule mourant, créée à l’Académie royale de musique de Paris en 1761, Antoine Dauvergne imagine une séquence sur le mont olympe, présidée par Hercule lui-même : ce sont les « Jeux olympiques », dont le faste est retranscrit par une orchestration colorée et des rythmes pompeux. La lutte et la danse sont tour-à-tour mis à l’honneur.
Le 1er acte de Médée (1693) de Marc-Antoine Charpentier met en scène des évolutions militaires au bruit des trompettes et des timbales, durant lesquelles Corinthiens et Argiens simulent des passes d’armes pour s’échauffer à partir au combat et défendre Corinthe des troupes ennemis sous la conduite d’Oronthe et de Jason.
Dans la pastorale héroïque Naïs (1749), Rameau imagine de confronter trois peuples voisins au cours de « Jeux isthmiques » dédiés à Neptune, roi des mers : après une solennelle introduction, présidée par la nymphe Naïs et ses prétendants, lutteurs et coureurs s’affrontent jusqu’à ce que les vainqueurs défilent au cours d’un solennel air de triomphe.