Chaque mois, le Centre de musique baroque de Versailles vous concocte une playlist thématique à écouter pour vous immerger dans le répertoire musical français des XVIIe et XVIIIe siècles. Bonne écoute !
Playlist audio #10
Playlist spéciale Charpentier, par Catherine Cessac, directrice de recherche du CNRS et spécialiste de Charpentier
Charpentier est sûrement le compositeur baroque français le mieux servi au disque depuis l’avènement du microsillon. Bien que son œuvre compte plus de 550 numéros, elle est aujourd’hui aux trois quarts enregistrée. Le choix pour établir cette Playlist a été fait afin d’avoir une vision la plus large possible de l’art de Charpentier.
Né à Paris, en 1643, dans une famille de maîtres écrivains, Charpentier part à Rome au milieu des années 1660. Là, il admire ce qu’il entend et ce qu’il copie, en particulier la technique de la basse obstinée constituée de quatre notes incessamment répétées, ainsi que l’écriture polychorale qu’il développe dans un exemple unique en France, la Messe à quatre chœurs.
Il apprécie aussi le genre de l’histoire sacrée (ou oratorio). Comme celles de Carissimi, son maître romain, les histoires sacrées de Charpentier sont en latin. Le Jugement dernier s’achève dans la lumière avec le chœur des élus, jusqu’à la béatitude finale émergeant en une sorte d’apesanteur céleste.
À son retour de Rome, Charpentier est accueilli pendant près de vingt ans par Marie de Lorraine, duchesse de Guise, dernière descendante du nom qui entretient dans son hôtel parisien un groupe de musiciens pour lesquels le compositeur écrit des pièces aussi bien profanes que sacrées, et dans lequel il chante.
En 1672, il est appelé par Molière pour remplacer Lully dans la composition de ses comédies-ballets. Avant la création du Malade imaginaire dont le second intermède s’entend comme une thérapie aux mauvaises humeurs d’Argan, Le Mariage forcé est repris avec une nouvelle musique irrésistible sur le plan comique.
En avril 1683, Charpentier se présente au concours de recrutement des sous-maîtres de musique pour la Chapelle royale de Versailles sans succès, empêché par la maladie. Quelques mois après le concours, la reine de France Marie-Thérèse meurt. Pour célébrer sa mémoire, Charpentier n’écrit pas moins de quatre œuvres dont la magnifique élévation Transfige dulcissime Jesu.
À la mort de Mlle de Guise en 1688, Charpentier est nommé maître de musique des jésuites parisiens. Pour l’église Saint-Louis de la rue Saint-Antoine, il compose un répertoire religieux important.
Il est également responsable du répertoire du Collège Louis-le-Grand de la rue Saint-Jacques où la musique de théâtre était à la fois d’ordre pédagogique et moral. Le 28 février 1688, est donnée la tragédie latine Saül accompagnée de David et Jonathas en français dont la composition revint à Charpentier. Après une ouverture à la française, le début du prologue montre Saül, roi des Israélites, seul et perdu, qui ne rencontre, après son appel désespéré à Dieu, que le silence. Son récit, traversé de questions angoissées, est accompagné par un orchestre produisant un magnifique tapis sonore, nourri d’une riche harmonie.
La seule et unique incursion de Charpentier dans le domaine lyrique, sur l’illustre scène de l’Académie royale de musique est la création de Médée en 1693 dont le livret revient à Thomas Corneille. Considéré aujourd’hui comme un chef-d’œuvre absolu, l’opéra fut nettement désapprouvé par ses contemporains. Les deux visages de l’héroïne (la femme amoureuse et la magicienne aveuglée par la vengeance) est ici illustrée.
Charpentier termine sa carrière à la Sainte-Chapelle de Paris où il meurt le 24 février 1704. La Sainte-Chapelle se trouve située dans l’enceinte de ce qui fut jadis le Palais du roi, puis du Parlement. Le thème du Jugement de Salomon est donc en adéquation totale avec le lieu. Après une page symphonique évoquant la nuit, Dieu apparaît en rêve à Salomon auquel il accorde non seulement ce qu’il a souhaité, sagesse et intelligence, mais aussi richesses, gloire et longue vie. Au terme de l’intervention divine, l’accompagnement se dissout progressivement : le songe s’évapore, les derniers voiles de la nuit se dissipent.