Chaque mois, le Centre de musique baroque de Versailles vous concocte une playlist thématique à écouter pour vous immerger dans le répertoire musical français des XVIIe et XVIIIe siècles. Bonne écoute !
Playlist audio #7
Spécial Expodcast #3 "La Régence musique, que la fête commence !"
Pour clore en musique cette année de célébrations autour de la Régence et de Philippe II d’Orléans, le Centre de musique baroque de Versailles propose dans une playlist indépendante l’essentiel des musiques de son expodcast #3 « La Régence en musique, que la fête commence ! ». Cette playlist est présentée par Thomas Leconte, l’un des conseillers scientifiques de l’expodcast.
Il est impossible d’évoquer la musique au temps de la Régence sans souligner d’abord l’importance d’une figure emblématique, véritable trait d’union entre deux règnes : Lalande. Musicien favori de Louis XIV, il a porté à son apogée le genre du grand motet, lui donnant un souffle décisif, fixant un modèle qui perdurera jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.
Régnant, pour quelque temps encore, à la Chapelle mais aussi à la Chambre du roi, Lalande fournit également la musique de nombreux divertissements pour le jeune Louis XV, notamment pour les trois ballets dansés par le roi aux Tuileries en 1720 et 1721 (L’Inconnu, Les Folies de Cardenio, Les Éléments). Mais le vieux maître prépare sa succession et favorise ses disciples, Destouches (qui l’a secondé pour Les Éléments) et Colin de Blamont.
Pour les divertissements du petit roi, l’on n’oublie cependant pas les pièces qui ont fait les délices de l’ancien règne, telles les comédies-ballets de Molière et Lully, inscrivant ainsi la nouveauté dans une forme de continuité.
Ce trait d’union s’incarne aussi à travers la figure de Couperin, claveciniste de Louis XIV, puis du « lys naissant », Louis XV : trait d’union chronologique mais aussi esthétique, à travers ses « goûts réunis », synthèse musicale des styles français et italien dont il fut un ardent défenseur, tout comme le Régent lui-même.
À Paris, Philippe d’Orléans, mécène inspiré, lui-même musicien accompli, entretient une cour flamboyante, faisant de la capitale l’épicentre du pouvoir mais aussi le creuset d’une nouvelle sociabilité et d’une vie culturelle féconde. Plusieurs musiciens lui consacrent des « portraits » musicaux, comme Couperin, Hotteterre ou Forqueray, ces deux derniers lui enseignant la flûte traversière et la viole de gambe. Appliqué et doué, le prince se mêle aussi de composition, qu’il apprend auprès des meilleurs maîtres : Charpentier, Campra, Bernier et Gervais, tous attirés par ce courant d’italianisme qui gagne alors toute la société.
Car la grande passion du duc, c’est la musique italienne. Il va favoriser l’introduction en France de genres ultramontains comme la cantate, la sonate, le concerto. À côté des musiciens italiens protégés par le prince (Stuck, Mascitti, Guido, etc.), de nombreux Français se laissent gagner par ce goût, qu’ils acclimatent à l’idiome français. S’inspirant de modèles essentiellement romains ou napolitains (Scarlatti, Bononcini, Mancini), Bernier ou Clérambault sont parmi les premiers à proposer des cantates « françaises ». Conquis par la musique de Corelli qui irrigue alors l’Europe, de nombreux violonistes français s’essayent à la sonate ou au concerto, de François Duval, auteur des premières sonates pour violon publiées en France (1704) au Lyonnais Jean-Marie Leclair, qui donne son 1er livre de sonates en 1723, l’année même de la mort du Régent ; s’illustrant également dans le concerto, Leclair est considéré comme le fondateur de l’école française de violon.
Ce souffle d’italianisme s’immisce jusqu’à l’Académie royale de musique – le premier Opéra de Paris. Le Régent va même tenter d’y inviter, depuis Londres, la troupe d’opéra italien de Handel. Le prince nourrit en effet un goût immodéré pour l’opéra. Entre 1715 et 1723, de nombreux compositeurs, tels Campra, Bertin de La Doué, Gervais, Destouches, Stuck, lui dédient leurs œuvres, dans une extraordinaire émulation, qui va bientôt ouvrir la voie à un certain Jean-Philippe Rameau.