Dans un quotidien canadien est parue, il y a quelques semaines, une interview d’un de mes collaborateurs, qui a suscité, en fonction des lecteurs, enthousiasme, interrogations, indignation ou sarcasmes.
Son contenu pouvait, légitimement, laisser planer un doute sur l’endroit d’où s’exprimait l’interviewé ; il me revient donc de préciser ici les positions et l’action du Centre de musique baroque de Versailles, afin que s’évapore toute hésitation.
Depuis maintenant plusieurs décennies coexistent plusieurs courants dans l’interprétation de ce que l’on appelle la musique ancienne, qui vont de la plus pure doxa historiquement informée au cross-over absolument assumé. Toutes les interprétations sont légitimes, puisqu’elles reposent sur des choix artistiques et des intuitions personnelles, qui sont l’essence même du geste artistique. Seuls les artistes et leurs publics sont juges.
Le Centre de musique baroque de Versailles s’inscrit, depuis sa création en 1987, dans le courant qui interroge ce répertoire au regard de la connaissance, toujours en mouvement, des sources, de l’organologie et du contexte historique, et c’est pour cela et dans ce cadre que son action nationale et internationale recouvre des missions scientifiques, éditoriales, pédagogiques, artistiques, de médiation et d’action culturelle. Toutes ces actions sont systématiquement menées en partenariat avec d’autres structures (instituts de recherche, salles de spectacle, festivals, conservatoires, médias, labels discographiques, collectivités territoriales...).
Il convient de rappeler que l’action artistique ne constitue qu’une partie du travail du Centre de musique baroque de Versailles. Au-delà des débats de spécialistes, tout à fait légitimes voire vivifiants, le CMBV œuvre avec énergie et sans relâche auprès de centaines de scolaires, d’enseignants et d’élèves de conservatoires et d’un public toujours plus diversifié pour la valorisation et la diffusion de l’inépuisable beauté de ces deux siècles de répertoire vocal et instrumental.
Quant à l’action artistique du CMBV, elle n’est pas univoque et prend plusieurs formes : au-delà du chœur des Pages et des Chantres et du soutien à l’émergence, elle consiste également en l’accompagnement, systématiquement élaboré avec des structures de diffusion, d’artistes et ensembles soucieux d’explorer des territoires inconnus du répertoire ou de questionner les pratiques et habitudes d’interprétation. Le CMBV mène cette action, évidemment imparfaite, dans la limite de ses moyens humains et financiers, mais a collaboré, ces cinq dernières années, avec plus d’une vingtaine d’ensembles, de solistes ou de chefs et cheffes différents. On me permettra de souligner ici que, parmi les ensembles en question, seuls quatre faisaient déjà l’objet d’une collaboration régulière antérieure à mon arrivée en 2018, ce qui prouve, sans conteste, un véritable renouvellement.
En aucun cas, le Centre de musique baroque de Versailles ne dit le droit ni ne fait la révolution. Il essaie, avec ses partenaires et en collaboration avec les artistes qui le souhaitent, de susciter l’exploration du répertoire et de nouvelles voies d’interprétation, avec sérieux et détermination mais avec humilité, tant il faut rappeler combien, dans les domaines scientifique et a fortiori artistique, les vérités sont fragiles.
Nicolas Bucher
Directeur général du Centre de musique baroque de Versailles