Depuis février, la flûtiste Lucile Tessier a démarré sa résidence artistique aux côtés du Centre de musique baroque de Versailles dans le pays de Gally-Mauldre (78). Du 1er au 5 mars, elle entame sa deuxième semaine de résidence avec 5 jours d’ateliers avec les élèves de 5e pour faire découvrir des pièces peu jouées des répertoires français et anglais, avec pour guide le personnage de Jacques Paisible, hautboïste et flûtiste français émigré en Angleterre dans les années 1670.
Lucile Tessier, pouvez-vous nous parler des instruments que vous jouez ?
Lucile Tessier : Je suis flûtiste à bec, hautboïste baroque et bassoniste baroque. Pour cette résidence artistique avec le CMBV, j’ai emmené dans mes bagages plusieurs instruments à vent : des flûtes de l’époque baroque, un hautbois baroque et un basson. Ce sont des instruments qui sont des copies de ceux qui étaient utilisés à l’époque baroque.
Qu'est-ce qui vous amène ici dans les Yvelines, au collège de Maule ?
Lucile Tessier : J’ai été invitée par le CMBV pour une année de résidence artistique sur le territoire des Yvelines et plus particulièrement dans le pays de Gally-Mauldre. Les deux premières semaines de résidence (février et mars) sont accueillies au sein du collège de Maule et portent spécifiquement sur le personnage de James Paisible, un hautboïste et flûtiste français qui a voyagé et travaillé en Angleterre à la fin du XVIIe siècle. L’idée de cette résidence est de créer trois programmes différents, les deux premiers étant autour de James Paisible et le troisième autour d’un manuscrit contenant également de la musique de James Paisible, et de la formation de la Bande de Hautbois, avec deux hautbois baroques, hautbois ténors et un basson.
Quelles sont vos premières impressions après la 1e semaine de résidence en février avec les collégiens ?
Lucile Tessier : C’est très confortable car nous avons la chance de répéter dans une vraie salle, presque une salle de concert avec une petite scène, c’est assez rare de trouver des lieux comme ça dans des collèges. Nous avons eu le plaisir de proposer des sessions d’ateliers auprès de plusieurs classes, notamment des classes de 6e, et nous sommes très contents de leur accueil et de celui des équipes administratives et pédagogiques, très actives dans la préparation des élèves aux ateliers. En parallèle des ateliers, beaucoup d’élèves passent de temps en temps écouter les répétitions, c’est émouvant d’être intégré à ce lieu de vie pour eux.
En quoi cette musique est-elle toujours vivante, intéressante à découvrir aujourd’hui, et peut-elle parler à tous ?
Lucile Tessier : La musique baroque est une musique basée sur les affects et les émotions. Les instruments sont anciens, la musique est ancienne mais ces émotions et ces affects-là existent encore aujourd’hui. Je pense qu’ils sont très proches de ce que l’on pouvait ressentir à l’époque. Et par exemple, avec les enfants, nous voyons bien que si nous leur demandons le caractère d’une pièce ou l’émotion qui s’en dégage, ils trouvent de façon assez exacte les intentions d’origine. A travers les adjectifs, les émotions qu’ils ressentent très fort, nous voyons ce qui se dégage de cette musique. C’est un formidable outil pour communiquer ses émotions au public. Parallèlement, notre recherche d’historicité nous permet de nous rapprocher des intentions du compositeur pour faire passer ces émotions-là au public.
Quelle suite en mars ?
Lucile Tessier : La première résidence de février était autour du répertoire instrumental, James Paisible étant flûtiste et hautboïste. Pour la deuxième résidence de mars, nous allons faire venir Eugénie Lefebvre, une soprano avec laquelle nous travaillons souvent. Nous allons pouvoir explorer le répertoire vocal de la même période et notamment tout ce qui est écrit pour voix seule et hautbois ou voix seule et flûte à bec avec accompagnement basse continue. Il y a beaucoup de dialogues entre la voix et l’instrument mélodique sur les mêmes répertoires franco-anglais.
Quelques mots sur la thématique et les liens entre musique française et anglaise au XVIIe siècle ?
Lucile Tessier : Nous travaillons sur ces deux répertoires franco-anglais, sur la période de la fin du XVIIe siècle, car il y a vraiment eu une rencontre entre les deux répertoires et les deux cultures. Les relations entre la France et l’Angleterre ont certes toujours été conflictuelles, même si contenues d’admiration respective, mais à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe, les deux cultures se rencontrent notamment grâce au voyage de Charles II en France. Par la suite, beaucoup d’artistes et notamment de musiciens ont voyagé entre les deux pays, en venant en Angleterre pour les musiciens français ou en allant découvrir le répertoire français pour les musiciens anglais. Dans la musique, nous sentons cette sorte d’infusion du style français et ce que je trouve vraiment fascinant, c’est de voir ce que les Anglais ont pris de ce style et ce qu’ils ont su garder de leur identité propre. Quand nous écoutons du Purcell ou du Blow, nous entendons les influences françaises tout en restant très typé anglais : c’est cette richesse que je trouve extraordinaire à explorer.