Chaque mois, le Centre de musique baroque de Versailles vous concocte une playlist thématique à écouter pour vous immerger dans le répertoire musical français des XVIIe et XVIIIe siècles. Bonne écoute !
Playlist audio #11
Playlist spéciale Atys de Lully, par Benoît Dratwicki, directeur artistique et chercheur au CMBV.
Grand ordonnateur des spectacles musicaux à la cour de Louis XIV, premier directeur de l’Opéra de Paris, compositeur avant-gardiste pour son temps, Jean-Baptiste Lully renouvelle la musique française du second XVIIe siècle à la fois en termes de style, mais aussi de genres et de formes. C’est lui qui revivifie l’ancien ballet de cour avec Bensérade, qui imagine la comédie-ballet avec Molière, qui invente la tragédie en musique avec Quinault. C’est lui encore qui impulse une nouvelle voie au grand motet et à la musique orchestrale. Le génie de Lully est de voir au-delà de la partition : il pense le cérémonial ou le spectacle dans sa globalité et enchâsse méticuleusement les différents éléments qui les constituent les uns dans les autres. Sa vision de l’opéra dépasse ce qui s’était fait jusque-là en Italie : le poème, la musique, la danse, les costumes, les décors et les machineries sont portés à un niveau de raffinement et de perfectionnement qui font la fierté du Roi-Soleil, soucieux d’affirmer son pouvoir par les arts autant que par les armes.
La playlist imaginée par Benoît Dratwicki, chercheur et directeur artistique au Centre de musique baroque de Versailles, évoque le génie de Lully par un choix d’extraits tirés de ses tragédies en musique (Alceste, Atys, Isis, Proserpine, Persée, Amadis, Armide), mais aussi de ballets (La Naissance de Vénus, Les Plaisirs de l’île enchantée, Le Triomphe de l’Amour), de comédies-ballets (Le Bourgeois gentilhomme, Psyché) et de divertissements (Le Temple de la Paix). Ce qui ne manquera pas de frapper l’auditeur à l’écoute de ces pièces est la grande variété de ton et d’effets (harmoniques, mélodiques, orchestraux et vocaux) à laquelle Lully a recours. La poésie du récit de la Nuit dans Le Triomphe de l’Amour (« Voici le favorable temps… »), le pathétique de la pompe funèbre d’Alceste (« La mort, la mort barbare… »), le brillant de la descente de la Victoire au son des trompettes dans le prologue de Proserpine, l’élan irrésistible de la Marche turque du Bourgeois gentilhomme, sont quelques-unes des facettes de son art protéiforme, sans cesse remis sur le métier.
Car Lully n’écrit jamais deux fois le même ballet ou le même opéra ; chaque œuvre invente son discours, son ton et son style. Les mêmes scènes sont à chaque fois traitées différemment. Qu’on compare les monologues du rôle-titre d’Amadis (« Bois épais redouble ton ombre… ») et de Renaud dans Armide (« Plus j’observe ces lieux… ») pour admirer comment Lully, dans un même contexte, personnalise chaque héros et chaque situation : la forêt d’Amadis et le ruisseau d’Armide appellent des mises en musique différentes, tout comme l’état d’esprit des deux protagonistes.
Même les ouvertures, qui adoptent pourtant toutes le plan « à la française » que Lully mit à l’honneur, sont à chaque fois singulières, plus ou moins solennelles, plus ou moins enlevées, plus ou moins chargées de pathos. Parmi celles présentées dans cette playliste (Proserpine, Persée, Les Plaisirs de l’île enchantée et Isis), la dernière étonne par ses chromatismes uniques dans l’œuvre du compositeur.
On a tenu à rassembler non pas une représentativité de la discographie lulliste, désormais très importante, mais un échantillon des enregistrements réalisés ces dernières années en collaboration avec le Centre de musique baroque de Versailles, témoignant du travail de recherche et d’interprétation mené, au fil des ans, avec les artistes.